C'est hier que s'est conclu la «saga de l'appareil photo numérique». On peut donc en faire le bilan.
Au départ, ce site était agrémenté de photos prises grâce à
un appareil comme celui-ci. Le vendredi 26 avril, vers 13h30, en rentrant chez moi à vélo, j'ai rencontré par hasard Isabelle Berzeele, une camérawoman temporaire qui fait partie des «dommages collatéraux» du lockout puisqu'elle a été mise à pied par Radio-Canada à cause
d'un... manque de travail. Elle tournait du visuel pour un documentaire de MTV sur Céline Dion, sa première pige depuis qu'elle est sans emploi. Pour faire un suivi sur son histoire, que je destinais à ce site, j'ai pris des photos d'elle au travail parmi la foule du coin Peel-Ste-Cath.
Puis, elle m'a gentiment invité pour manger une bouchée. J'ai rangé le petit appareil photo dans la poche droite de mon manteau. J'ai transporté son trépied en marchant sur la rue Peel vers le chic restaurant Subway en face du carré Dominion, et j'avais toujours le trépied en mains pendant que je commandais, debout en ligne avec d'autres clients. Je soupçonne que c'est à ce moment-là, ou encore pendant que nous tergiversions sur la rue («Je t'invite - Mais non - Mais si, ça me fait plaisir - Mais c'est moi qui t'invite alors - Mais voyons, oublie ça - Bon, on va où - Je ne connais pas le coin - Patati - Patata») que quelqu'un en a profité pour me voler l'appareil. Un pickpocket ni plus ni moins... Je m'en suis rendu compte après le repas quand j'ai voulu lui montrer les photos d'elle. Et celles de Danielle Foucart. Et de Pierre Jubinville. Et de Dennis Trudeau pendant l'opération tracts-pétition au métro Vendôme de ce matin-là... Ce vol, combiné à la déprime ressentie après 1 mois de lockout, a eu l'effet d'un knock-out.
Le lendemain, samedi, au cours d'une autre opération de signature de pétition et de distribution de tracts, rue Monkland, j'ai raconté ma mésaventure à Éric Germain, de la radio, et Célestin Hubert, de la télé. Ils ont dit vouloir organiser une collecte de fonds pour que je puisse racheter un appareil neuf. J'ai refusé, mais ils ont insisté, enclenchant un mouvement impossible à arrêter.
Célestin a notamment confectionné de petits pots disposés dans le sous-sol de l'église qui nous sert de salle de lockout. D'autres collègues m'ont donné des sous directement, des gestes qui m'ont profondément touché.
En quelques jours, 635,66$ furent recueillis.
Initialement, j'assumais entièrement ce vol. Mes assurances (partagées avec un copropriétaire, par ailleurs) auraient vu d'un mauvais oeil que je fasse une seconde réclamation en moins d'un an (l'autre avait été pour un vol subi en août). Puis, j'ai réalisé qu'il était vrai que j'ai mis mon appareil photo en quelque sorte au service de la collectivité. J'avais donc pensé solliciter des dons sur ce site au moyen d'un service appelé «
Paypal», mais les frais d'utilisation sont trop élevés pour de petits montants. Mais je ne pouvais pas accepter que mes collègues défraient les coûts d'un appareil dont j'aurais continué à me servir, longtemps après le conflit, pour prendre des photos de ma famille, de ma collection de roches, de mon gerboise savant, et que sais-je encore. Compromis: en assumer la moitié.
Plusieurs collègues m'ont dit qu'ils seraient insultés si je payais la moitié de la facture. Mon code d'éthique personnel ne me permet pas de faire autrement. Surtout que ce site, c'est d'abord pour moi que je l'ai fait, pour continuer à «travailler» (ou à en avoir l'impression), pour continuer à me sentir utile, ingrédient essentiel à une bonne santé mentale.
Le mardi 30 avril, donc, je me suis rendu à la boutique La Place du boulevard St-Laurent, avalée il y a quelques années par l'empire Dumoulin. J'ai voulu acheter le même appareil que celui volé. Comme il s'agit d'un modèle dépassé, il ne leur en restait plus qu'un seul dans l'ensemble de leur réseau, à leur succursale de Laval, autoroute 440. J'ai payé pour le réserver et le lendemain, 1er mai, je me suis rendu à Laval pour le cueillir. Mais l'appareil en question était un «démonstrateur» auquel il manquait des accessoires (chargeur de batteries, etc.). Le vendeur de La Place a proposé le
«modèle de l'année» dans la même marque... mais à 100$ de plus. J'ai refusé en disant que j'avais déjà payé pour quelque chose qu'il ne pouvait me livrer. Il a finalement cédé le nouveau modèle au prix de l'ancien. Yes!
Voici la facture, cliquez sur cette petite image, ci-dessous, pour un agrandissement (patience, la grande version «pèse» 658 Ko)
Coût de l'appareil: 568,00$. Avec les taxes: 653,34$
La moitié de ce montant est 326,67$. Comme la collecte avait recueilli 635,66$, il y avait 308,99$ en surplus. J'ai donné hier soir 300$ au comité d'entraide avant le spectacle de solidarité pour les cadenassés au Spectrum, ce qui fait que j'ai assumé moins que la moitié de la facture, 48,6% pour être plus précis.
J'avais promis un rapport complet aux collègues qui ont contribué au remplacement de mon appareil. J'espère qu'il convient.
Et je remercie encore du fin fond du coeur tous ceux qui m'ont aidé. Ils ont fait la preuve que, contrairement à ce que chante Brel dans
Orly, la vie peut faire des cadeaux.