samedi, avril 20, 2002

Les anciens (radio-)canadiens

Deux ex-radio-canadiens ont écrit cette semaine. Deux parcours totalement différents.
Il y a d'abord Saïd Ben Slimane, un ancien de RCI, qui envoie ce message de Tunisie.


    Salut chers collègues en lock-out. Je suis votre ex-collègue de Radio Canada International, de SRC-TV et de la radio régionale (Alberta). De 1990 jusqu‘en 1993, j’ai travaillé à Montréal et à Edmonton. C’est dire si j’ai fait le tour de la question. C’est dire si j’ai fait l’expérience de la précarité de l’emploi. Malgré un doctorat français en poche. Malgré plus de 12 ans d’expérience internationale (en Afrique et en Europe).
    Et si aujourd’hui, depuis ma Tunisie natale, je vous offre mon appui et toute ma solidarité dans ce conflit de travail, c’est du fond du cœur que je l’exprime.
    Quand je travaillais à la télévision de Radio-Can, j’ai pu mesurer l’étendue de la solidarité dans cette bonne terre du Québec. Quand je collaborais à Radio Canada International, j’ai pu me sentir vraiment citoyen du monde et, en même temps, solidaire de ces 90 employés déchirés par des décisions iniques prises en haut lieu. Car les (petits et grands) patrons se sont débrouillés pour sauver leurs fauteuils respectifs. Les autres, les petits, les sans permanences, les SDF (Sans Droits Fondamentaux), qu’ils se débrouillent!
    Quand j'ai commencé à Radio-Canada Montréal, on (qui se reconnaîtra) m’avait bien précisé que la permanence n’est pas de ce monde. Que la liste d’attente est bien chargée. Quand mes 150 jours de travail ont été atteints, il ne me restait plus que les régions. Adieu veaux, vaches, chameau, orignal...
    Anna, Pierre, David, Aldo, Réjean, Bob, Wojtek, mes ami(e)s de RCI, si vous savez ce que je regrette de NOUS voir partir --à chaudes larmes-- vers d’autres bureaux, vers d’autres destinées et mettre fin à des années de dur labeur. En 1991, Ottawa allait réduire le personnel de RCI. Aujourd’hui encore, j’ai intacte, en mémoire, l’image de ceux/celles qui restent --parce que plus anciens-- qui regardent partir les derniers arrivés. Faut-il être âgé pour continuer l’aventure médiatique? Faut-il être un ancien pour survivre? Jeune ou pas jeune, ce jour-là, il fallait lire entre les lignes et les regards pour comprendre que les décisions d’un technocrate ont tué l’espoir d’individus et mis fin à un esprit d’équipe.
    Pourtant, Radio Canada, c’est la référence. À l’extérieur. Parce que, à l’intérieur, c’est la disparité, les inégalités des chances, la terreur des coupures et des mises à l’écart… Mais ce n’est pas la bonne volonté qui manque.
    Alors, chers collègues de là-bas, je vous exprime depuis l’Afrique du nord toute ma sympathie, ma solidarité.

    Dr Saïd BEN SLIMANE alias BEN, Tunisie



Et voici l'autre, provenant d'un ancien journaliste à la recherche de l'émission Branché. Nelson Dumais est le «Dr. Octet» du Journal de Montréal, un journaliste indépendant. Férocement indépendant. Qui aime brasser la cage, et il la brasse drôlement ci-dessous... sans trop se faire d'illusions.

    Allez savoir pourquoi moi, qui a réussi à élever ma famille et à payer mon hypothèque en ne vivant pratiquement que de piges journalistiques ou associées au journalisme, je me sens interpellé par la grève à la SRC, une grève de gras durs et d’aspirants à l’être. Pourquoi me soucier de ces gens, moi l’indécrottable pigiste? Peut-être parce qu’ils ont décidé de s’attaquer à la précarité, un acte de conscience tout à leur honneur auquel je souscris avec émotion. […]
    Aspirants gras durs? Pour avoir travaillé deux saisons à la SRC […], je sais ce que c’est que de vivre la précarité dans la grosse tour du boulevard René-Lévesque. Je ne me pardonnerai jamais m’être laissé traiter comme de la merde en ne faisant que baisser l’échine pour que l’on renouvelle mon contrat et que je puisse conserver ma belle carte d’identité avec ma photo et la mention «Radio-Canada Information Télévision». Je comprends donc certains amis d’accepter cette vie mortifiante dans l’espoir de jours meilleurs. Qui suis-je pour les blâmer?
    À la SRC, un contractuel vivant la précarité est un pigiste qui a abouti dans un bureau de boss où on lui a fait (possiblement) miroiter la lune. Puis un jour, il «pète au frette». Fatigué, amer, pas fier de lui du tout, il redevient pigiste sur le marché libre. Libre d’aller téter ici et là pour aller se refaire, s’il est chanceux, un carnet de commandes. Reste que dans son cœur, il n’a d’espoir que celui d’un retour à la SRC avec le ferme propos, cependant, de ne plus ramasser de savonnettes.
    Si je sympathise à 100% avec la cause des employés au statut précaire, c’est, bien sûr, parce que leur sort est aussi inacceptable que celui des pigistes hors SRC. Mais c’est surtout parce qu’en raison de la présente médiatisation de leur état, la problématique des deux régimes dans le monde de l’information risque d’être dénoncée plus fortement que jamais. Je dis bien risque.
    Je parle de deux régimes parce que les journaux, les magazines, les émissions de radio ou de télé, se font avec deux catégories de travailleurs très souvent entremêlés sans qu’on ne puisse distinguer entre eux. D’un côté, il y a les permanents, d’un autre les collaborateurs externes. Parce que leur qualité professionnelle est de savoir compter les billes, les patrons privilégient l’utilisation de ces derniers, une attitude qui a toujours soulevé l’ire des employés permanents.
    Car à travail égal et à compétences égales, le pigiste est beaucoup plus avantageux. [...] S’il veut survivre, il doit livrer à temps, le produit convenu, dans la qualité coutumière, au tarif habituel (entendre à un prix généralement ridicule), cela sans rouspéter. En ce sens, quand le pigiste devient contractuel à la SRC, il tend à filer doux et à en donner au boss pour son argent.
    […] Je ne me plains pas d’être un gagne-petit sans statut professionnel reconnu[…]. Ceux qui me connaissent le savent, j’aime le style de vie rattaché à la pige; il me convient parfaitement. […] Je me plains d’être un rouage essentiel aux médias, un rouage de plus en plus répandu (attachez vos tuques, les camarades syndiqués), qui n’a droit à aucune participation aux bénéfices, contrairement aux permanents qui, eux, ont droit à des conditions bonifiées. Pour faire la même paye qu’il y a douze ou treize ans, je travaille maintenant une journée de plus par semaine.
    […] Malheureusement --et c’est ce qui me fait vraiment péter mes crises d’urticaire-- patrons et syndicats se tendent la main pour normaliser cette injustice. Le syndicaliste qui signe une convention collective sachant qu’un pourcentage de ses collègues de travail sera constitué de pigistes contractualisés ou non, est aussi coupable que le patron qui tend à recourir à ce genre de main-d’œuvre. Larrons en foire !
    [...] Tout cela pour dire que j’appuie les grévistes de la SRC parce que, quelque part, je ne sais trop quand, j’en retirerai peut-être quelques bénéfices. Peut-être qu’à force de médiatisation, la foutue CSN mettra ses sacrament de culottes et entreprendra de poser les bonnes questions et de faire les bonnes analyses. Peut-être que la vieille centrale, du moins sa FNC, cessera d’être ce boys club pour privilégiés qu’elle est devenue, pour redevenir la locomotive sociale articulée de naguère... Et peut-être bien, aussi, que ma grand-mère ira se promener en skateboard sur le Métropolitain en pleine heure de pointe...

vendredi, avril 19, 2002

Écho des négos VI

Pour situer le théâtre des opérations, les négociations entre le syndicat des communications de Radio-Canada et la direction de la Société se déroulent ici, au Complexe Guy-Favreau

Le très harmonieux Complexe Guy-Favreau   L'entrée du service fédéral de médiation et de conciliation, salle 103

S'il y en a qui veulent faire du «brainspotting» et tenter d'apercevoir les membres des comités de négo, vous n'avez qu'à vous rendre au rez-de-chaussée au local 103, au fond, à droite. C'est là que se trouvent les locaux du Service fédéral de médiation et de conciliation du ministère du Développement des Ressources humaines.

Aujourd'hui, des négos y ont eu lieu de 13h30 jusqu'à environ 21h, a indiqué ce soir Ubald Bernard.
Bonne nouvelle: les parties ont convenu de se rencontrer demain, samedi, vers 11h.
Autrement, il n'y a pas grand-chose à signaler. La consigne du silence médiatique continue d'être respectée «puisque ça continue et qu'il y a eu un peu plus en terme d'échanges», explique le chef négociateur syndical, en précisant qu'il a eu, aujourd'hui, plus de contacts directs avec les négociateurs patronaux qu'hier.
Concrètement, cependant, les parties n'ont réglé aucun nouveau point cette semaine.

Et si on changeait le monde... un peu?

Bertrand Hall. Homme orchestre sur plus d'un plan. Le voilà qu'il se fait terminologue et qu'il propose une sacrée bonne idée!
    Tant qu'à être mal-pris, autant l'être dans sa propre langue. Ceux qui me connaissent savent jusqu'à quel point je suis épris de la mienne, le français. J'ai toujours apporté le plus grand soin à la rédaction de mes textes, devant même parfois me débattre un peu avec réalisateurs, rédacteurs-en-chef ou autres collègues pour imposer un mot, une expression juste, mais considérés parfois par eux comme étant trop «compliqués pour le public». Non seulement j'ai toujours trouvé ça un peu condescendant envers ledit public, mais également j'ai toujours pensé que c'était notre rôle à nous, service public justement, d'être à la pointe des efforts pour maintenir la langue française du Québec vivante, inventive, juste et précise. Bref d'en faire un outil puissant pour notre développement personnel, collectif, et pour notre rayonnement dans le monde.
    «Fin de semaine», «magasiner», «décrochage scolaire»... les exemples de néologisme québécois abondent. Le plus souvent, ils sont extrêmement enrichissant pour la langue française , où qu'elle soit employée sur la planète.
    Excusez le long préambule, mais je voulais que vous compreniez le sens de la démarche que j'ai entamée cette semaine.

    J'ai proposé à l'Office de Langue Française du Québec, de remplacer le terme «lock-out» par celui de «cadenas».

    J'y vois plusieurs avantages.
      1) Le mot est simple, sa signification évidente et l'utilisation de l'objet est connu..
      2) Il possède le même nombre de syllabes que le mot anglais. (Atout non négligeable lorsqu'il est question de remplacer un terme très ancré dans le vocabulaire commun.)
      3) L'imagerie qu'engendre le terme «cadenas« permet de visualiser très vite une situation qui s'apparente de très près au «lock-out». «Mettre, poser, apposer un cadenas» sur quelque chose a une connotation brutale, équivalente au «lock-out».
      4) Il a une connotation éminement historique chez nous, «La loi du cadenas» de Maurice Duplessis (même si elle visait avant tout les sympathisants communistes mais aussi les syndicats soupçonnés d'en abriter un) donnaient pleins pouvoirs au Procureur Général du Québec (en l'occurence Maurice Duplessis) «pour fermer une maison ou un local...», etc...
      5) Le terme est facilement utilisable pour remplacer les expressions actuelles utilisant cet anglicisme accepté. Exemples:
      - La Société Royal Compost a imposé un lock-out à ses employés.
      Peut aisément se traduire par:
      - La Société Royal Compost a imposé le cadenas à ses employés.
      - Les employés de la Société Royal Compost, toujours sous le coup d'un cadenas, ont décidé de rétorquer...
      - Cadenas à la Société Royale Compost: un mois déjà.
      - Le cadenas à la Société Royal Compost est légal selon le tribunal.
      - Le syndicat appelle à la levée du cadenas chez Royal Compost.
      - Les cadenassés de la Société Royal Compost ont décidé de... etc.

    L'expression de Desjardins «embarrés dehors» est suave, mais moins polyvalente que cadenas.
    Camil Chouinard, anciennement du défunt service linguistique de SRC (ce qui est une honte d'ailleurs (pas Camil... que le service ait été quasi aboli!)) quoiqu'interessé par la suggestion m'explique que lorsqu'un terme est accepté et répandu, il est bien rare que l'on revienne en arrière. (L'OLF a accepté «lock-out» depuis plus de 5 ans, avec toutefois une réserve sur le verbe lock-outer...) Camil, par contre, ajoute : «le cadenas pourrait fort bien être accepté comme synonyme de lock-out, on a toujours besoin d'expression équivalente pour éviter de se répéter tout le temps». Il ajoute en souriant que de son temps, «nous écoutions beaucoup les suggestions des journalistes car ils sont dans l'action eux, et ont à décrire des situations qui évoluent. Souvent nous au Service linguistique de SRC, nous avons poussé sur L'OLF pour qu'ils acceptent des termes plus accolés à la réalité quotidienne moderne du Québec».
    Autrement dit mon petit gars, pousse autant que tu veux!
    J'ai donc contacté Mme Noëlle Guilloton à l'Office. Française d'origine, elle vit au Québec depuis plus de 20 ans, et a la réputation de non seulement être très ouverte au néologisme québécois, mais même d'en faire la promotion. «C'est intéressant votre idée, m'a-t-elle dit au téléphone. Il y a 5 ans j'avais moi-même proposé "contre-grève" mais ça n'a pas été retenu.» Je n'ai pu m'empêcher de lui dire que je craignais, dans cette expression par ailleurs claire, qu'une certaine confusion s'installe dans l'esprit du public. Comme dans notre propre cas par exemple, ou l'employeur nous a mis dehors, prétendant pendant plusieurs jours que nous étions en grève générale illimitée, alors qu'il nous mettait en lock-out. Parler de «contre-grève» ne clarifie pas à mon sens la différence fondamentale entre une grève et un lock-out. Cadenas oui!
    Mme Guilloton m'a promis de présenter ma suggestion au cénacle de ses collègues. Nous verrons bien ce qu'il en sera. Mais en attendant je vous soumets une dernière réflexion. Si vous aimez ma suggestion, rien ne vous empêchera de l'utiliser, personnellement ou en ondes, lorsqu'elles nous serons enfin réouvertes! Qui sait, nous réussirons peut-être à «faire passer» ce terme dans le langage populaire. Ce n'est pas ça qui va changer grand'chose à notre combat actuel, ni en adoucir ses effets,mais on peut se faire plaisir non?
    Changer le monde, c'est bien difficile, mais un tout petit bout ? Porqué no?

    Bertrand Hall, Journaliste/réalisateur CADENASSÉ !

jeudi, avril 18, 2002

Écho des négos, part 5, straight from the vp's mouth

Ce soir, j'ai également téléphoné à Ubald Bernard, vice-président du SCRC et chef négociateur pour le syndicat, pour savoir si les négociations allaient se poursuivre durant le weekend (ce qui est toujours un bon signe). «C'est impossible de le savoir maintenant», dit-il. C'est le genre de chose qui ne se décidera que dans les dernières minutes de la session de négos de demain.
Il a par ailleurs confirmé la lenteur du processus rapportée par Michel Couturier depuis hier. Je lui ai demandé combien d'heures les négociations avaient duré jusqu'à maintenant, il a dit ne pas avoir fait le calcul, mais a précisé que «depuis la reprise de cette semaine, le nombre de minutes que nous avons passées en face à face est effroyablement bas». Aujourd'hui, par exemple, le temps passé par les parties partronale et syndicale à se parler face à face n'a été que d'une dizaine de minutes tout au plus!
Lorsqu'ils ne discutent pas en face à face, les négociateurs restent en caucus chacun dans leur coin. De temps en temps, le médiateur vient «secouer le pommier», selon l'expression d'Ubald.
Bref, ça n'avance vraiment pas vite. Depuis mardi, les discussions n'ont tourné qu'autour d'un seul sujet. Ubald refuse de préciser lequel, en conformité avec le «blackout» sur le contenu des négos... blackout qui s'éternise. Radio-Canada avait demandé un silence médiatique de 10 jours. Demain (vendredi), cela en fera 15. Si rien ne bouge demain ou durant le weekend, l'engagement du syndicat de garder le silence sera réévalué, indique le vice-président.

Question: «Avez-vous l'impression de vous faire niaiser?»
Long moment de réflexion avant la réponse: «Disons que j'aimerais beaucoup pouvoir dire avec force et vigueur qu'on ne se fait pas niaiser.»

Ayoye!

Toutefois, Ubald reprend aussitôt: «Il est certain qu'on ne se fait pas niaiser par les gens en face de nous. Mais en haut d'eux autres, par contre, je ne suis pas sûr.»
Il dit ne pas avoir perdu espoir. Sur l'un des deux points réglés jusqu'à maintenant, «on a gossé pendant 3 jours, raconte-t-il, et à un moment donné, tout à coup il s'est produit un déblocage et on avait réglé en deux heures». Il sent, en somme, que ses vis-à-vis patronaux sont menottés: «Quand ils ont la liberté intellectuelle de débloquer, ils en sont capables.»

Voilà. Comme disaient RBO: «C'est là qu'on est rendus.»

Ils nous ont fait une scène!

Méga spectacle hier, à Québec. Ceux qui y étaient n'en tarissaient pas d'éloges aujourd'hui sur les piquets. Le site de SCRC Québec présente un résumé et des photos.
Voici quelques bravos lus sur la liste de discussion par courriel:
Josée Thibault, courriériste parlementaire pour la télé, s'exclame: «Mes coups de coeurs vont à Marie-France Bazzo pour son texte mordant et bien senti. Aux 3 ténors pour leur interprétation de "J'ai ta photo dans ma chambre..." À Monique Giroux pour son Gigi l'amoroso précaire. À Michaelle Jean pour son TJ africain. À... Et puis non... Le coup de coeur va au spectacle lui-même, aux musiciens, chanteurs, interprètes et participants en général qui nous ont permis, le temps d'une soirée, d'être encore plus solidaires entre nous et de partager cela avec le public.»
Pour le journaliste/cruciverbiste/bluesman Bertrand Hall, «Ça valait le 500 kilomètres en masse...»
Et il souligne que l'organisation n'a pris que huit jours! «Pouvez-vous m'expliquer pourquoi ca prend un mois pour régler une toute petite convention collective?»

Deadlock


Écho des négos IV

Qu'est-ce qui est plus lent que la tortue?
Parties patronale et syndicale ont été réunies une bonne partie de la journée, rapporte ce soir Michel Couturier, président du syndicat. Dès ce matin, à 9h30, les négociateurs du SCRC étaient à la table, qu'ils ont dû quitter pour assister à une assemblée d'information au sous-sol de l'église Saint-Pierre-Apôtre à 11h. Ils y sont retournés par la suite et ne l'ont quittée qu'en fin de journée puisqu'ils n'étaient pas présents à une seconde assemblée d'information à 16h.
Michel Couturier a confié que durant toute la journée d'hier, la partie patronale était «en caucus» afin de présenter une proposition sur un point particulier. La proposition a été faite finalement ce matin. Elle tenait en sept mots: «Ça leur a pris 22 heures pour accoucher de sept mots. C'est ça que je veux dire quand je dis qu'ils avancent dans leurs souliers.»
Les parties ont convenu de reprendre les pourparlers demain à 13h30.
À quoi peut-on s'attendre de cette session de négociations? «Je ne suis pas lecteur dans les feuilles de thé» répond le président.

L'Acadie gronde

Ce courriel d'un internaute acadien jette une lumière nouvelle sur le lockout, un éclairage qu'on ne voit pas nécessairement au Québec. Secouant et rafraîchissant pour les dirigeants de RC, comme une saucette en avril dans la baie des Chaleurs! Je mets en gras certains passages clé:
    Date: Wed, 17 Apr 2002 20:29:22 -0300
    From: Claude Boucher
    To: auditoire@fr.radio-canada.ca
    Cc: hugo@reporters.net
    Subject: SRC: Mettez fin au lock-out!

    Le présent conflit de travail entre la Société Radio-Canada et les journalistes et autres employés de production représentés par le SCRC prive le public du Québec et de l'Atlantique des informations locales, régionales, nationales et internationales et de la programmation de la radio depuis maintenant presque quatre semaines. Je ne meurs pas de faim et je dors toujours la nuit, mais la situation commence à m'agacer sérieusement.

    Toutes les régions ne sont pas aussi choyées que Montréal en sources d'information de remplacement. Ici, dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, la fin des émissions régulières de radio en français et de l'émission du matin à la station de CBC Radio One de Moncton élimine d'un coup la majorité des sources d'information disponibles dans ma région.
    Par ailleurs, on ne peut, en aucun cas, considérer la programmation produite actuellement par les cadres de la Société comme un remplacement acceptable. La lecture -- pathétique -- du bulletin de nouvelles radio de 7h (8h en Atlantique) le lundi 15 avril est un exemple patent.
    L'«annonceur» nous a entre autres déclaré qu'un avion d'Air China s'était écrasé à l'approche de Pusan «en Corée du Nord» (sic). Pas besoin d'être un spécialiste de la Guerre de Corée pour savoir que Pusan est située à l'extrémité sud de la Corée du SUD (divisée au 38e parallèle depuis presque 50 ans) et qu'il s'agit de la deuxième ville du pays.
    Après quelques autres nouvelles, lues dans le plus pur style «radio-communautaire-des-années-70» (Eeeeee, euh, eeeee euh...), le premier «annonceur» anonyme passe la parole à un autre «annonceur» qui nous débite la météo du jour avec encore moins de talent. Sa minute de gloire nous a donné droit à plusieurs classiques, dont les prévisions pour la région de l'«Esprit» (il parlait probablement de l'Estrie, vous savez, les Cantons de l'Est). Frustré, j'ai mis une cassette.

    De grâce, retournez les comptables devant leurs calculatrices (où ils pourront peut-être faire des efforts pour améliorer le sort des femmes employées à Radio-Canada), et les autres bureaucrates -- qui eux, ont la sécurité d'emploi -- à leurs interminables réunions où ils pourront balbutier sans emmerder le public.

    À bon entendeur, salut

    Claude Boucher
    auditeur et téléspectateur frustré
    Shippagan, Acadie

mercredi, avril 17, 2002

Matane a son site!

Vous allez sourire en vous rendant sur le site mis sur pied par les lockoutés de Matane parce que c'est un bon pastiche de ce site. Il porte d'ailleurs le même nom et contient une section intitulée «LES FAITS»! Savoureux! :-)

Absences


Mon premier cellulaire depuis 1 mois

Le lockout se prolongeant, je dois gagner ma vie. C'est ce que j'ai fait aujourd'hui. Un boulot d'un jour seulement, mais on m'a prêté ce cellulaire, le premier que j'utilisais depuis 1 mois. On s'y r'habitue facilement, comme rouler à vélo.
Je ne pourrai pas consacrer autant de temps à Blogue-Out dans les prochaines semaines. Mais je ne le lâche pas. Il sera simplement moins «ambiance», plus «hard news».
Les idées, les informations et les opinions, de radio-canadiens ou non, sont toujours les bienvenues.

Shocking

Dennis Trudeau est en joual vert. C'est en grande partie grâce au texte qu'il a fait publier dans le Globe&Mail (lire d'ailleurs à ce sujet la réplique de Radio-Canada) que l'actuel conflit s'est fait connaître outre-Outaouais, et particulièrement aux Communes.
Voici la retranscription de la conversation qu'il a eue avec sa patronne, responsable de la télévision pour le centre du Canada à la CBC, le lendemain de la manif à Ottawa (le jeudi 11 avril, vers 17h30):
    Dennis Trudeau: Oui hello?
    Lynne Raineault: Dennis. It is Lynne Raineault. How are you?
    D.T.: I am locked out.
    L.R.: Some people would call it something else.
    D.T.: Why are you calling me?
    L.R.: I am calling to talk to you about your byline [NDLR: sa signature dans le
    Globe]
    D.T.: Why are you calling me?
    L.R.: I am calling to talk to you about your byline and the Journalistic Policies and Practices.
    D.T.: Fine. When the CBC stops locking us out we can talk about it.
    L.R.: I have to tell you that if there is another incident, there will have to be disciplinary measures.
    D.T.:Very well. I will call my union.

Dennis ne veut pas appeler cela de l'intimidation. Mais disons qu'il est plutôt choquant de se faire d'abord mettre à la porte par son employeur et ensuite se faire menacer de mesures disciplinaires parce qu'on exerce un droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés (article 2).
Si Dennis travaillait et n'était pas en lockout, il est évident que les normes et pratiques journalistiques s'appliqueraient à lui et lui imposeraient un devoir de réserve. Mais depuis 26 jours maintenant, Dennis ne travaille pas pour Radio-Canada ou la CBC, comme 1400 de ses collègues.

Écho des négos III

Appel quotidien à Michel Couturier. Les négociation se sont déroulées toute la journée jusqu'à 17h30. Elles doivent normalement reprendre demain matin.
«Ils avancent dans leur souliers», dit simplement le président du SCRC. Quand on lui demande ce qu'il veut dire par là, il précise sa pensée: «Ce n'est pas la méthode la plus rapide pour se rendre quelque part.»
Il ajoute qu'il ne peut rien dire sur le contenu de ce qui se discute à la table: «Ça ne sert à rien de dire qu'on a réglé un point ou un autre tant qu'on n'a pas réglé l'ensemble.»

Écho des négos II

Rappel de Michel Couturier ce matin. Les parties ont négocié jusqu'à 20h30 hier soir.
Les pourparlers reprennent dès ce matin. Impossible d'avoir plus d'information sur leur évolution: «Si j'en avais, dit Couturier, je te les donnerais pas».

mardi, avril 16, 2002

Les chasseurs de jobs


Marie-Josée Delisle Vicky Gagnon

Voici Marie-Josée Delisle, numéro 165, à gauche, et Vicky Gagnon, numéro 164, à droite.
Ce sont parmi les plus récentes personnes à s'être inscrites au comité emploi, un des plus courus ces temps-ci, et un bel exemple qui fait que l'indice humanité (NASDAQ:HUM) est à la hausse sur les piquets.

Une page de la liste du comité emploi

Marie-Josée et Vicky sont inscrites sur cette liste, ci-haut, en vertu du principe «Premier arrivé, premier servi». Elles ont aussi indiqué le type d'emploi qu'elles recherchent (rédaction, narration, traduction, relations publiques même). Elles ont reçu un numéro correspondant à leur ordre d'inscription sur la liste et les bénévoles du comité emploi, des journalistes qui se démènent pour trouver des jobs à leurs collègues, les rappelleront lorsqu'ils seront rendus à elles.

Nathalie Riel et Patrick Grandjean

Voici d'ailleurs Nathalie Riel, affectatrice aux nouvelles régionales (tv), rappelant un inscrit et lui demandant s'il est intéressé par l'un des quelques 25 emplois qui ont pour le moment été proposés au comité (plus que ce qu'on retrouve sur le site web du comité).
De ces 25 postes offerts à des radio-canadiens en lockout, «on commence à avoir confirmation d'une dizaine d'engagements» explique Bertrand Hall, qui bénévole pour le comité lorsqu'il ne gratte pas sa guitare. Bref, c'est une véritable agence d'emploi que ces collègues ont mis sur pied en quelques jours, un travail de longue haleine qui commence à porter ses fruits puisque certains employeurs ont déjà contacté directement le comité.
Bien sûr, les lockoutés savent qu'ils ne doivent pas uniquement s'en remettre au comité emploi. Marie-Josée a d'ailleurs dégotté une entrevue au service publicitaire d'un grand quotidien montréalais avant de s'inscrire.
Vous pouvez faire comme Marie-Josée et Vicky tous les jours entre 11h et 15h au local de lockout (devant le siège social de Radio-Canada), ou encore par téléphone au:

514/349-6226
(téléavertisseur: 514/331-6100 poste 6222)


Employeurs qui lisez ceci, sachez que ce numéro est également celui que vous devez composer si vous avez besoin de bras et de cerveaux qui ne demandent pas mieux que de travailler!

27,5°


Ce rutilant véhicule n'appartient pas nécessairement à un employé de Radio-Canada en lockout

Plus qu'une photo des employées en lockout en tenue légère et de leurs collègues masculins en bédaine, cette photo dégage toute la chaleur de la journée sur les piquets. J'aurais aimé raconter la précarité d'une autre collègue. À un moment donné dans sa carrière, elle a dû écrire une lettre de démission à ses patrons: «J'ai le regret de vous informer que je quitte Radio-Canada pour relever de nouveaux défis... à Radio-Canada!» Elle a renoncé à sa permanence un jour, permanence qu'elle ne tient pas nécessairement à retrouver mordicus, ce qui est, je pense bien, le sentiment de plusieurs membres.
Mais plus tard dans la journée, cette collègue m'a demandé de ne pas publier son histoire. Je travaille à faire fondre sa pudeur... :-)

Échos des négos 1

En fait, un coup de sonde en direction de la table de négos ne retourne aucun écho ce soir.
À 20h49, le président du syndicat des communications de Radio-Canada, Michel Couturier, n'avait toujours pas eu de nouvelles du comité de négociation: «Ils sont peut-être encore réunis en ce moment», dit-il, en ajoutant prudemment que «les choses évoluent». Il n'a pas voulu préciser s'il s'agissait d'une évolution dans le bon ou dans le mauvais sens: «Je refuse d'être pessimiste, mais je refuse d'avoir un optimisme qui pourrait s'avérer faux.»
Rappelons que les négociations entre syndicat et partie patronale ont repris ce matin, après une interruption le 10 avril.
Je tâcherai de téléphoner régulièrement au président du SCRC durant cette session de négociations pour avoir, sur ce site, des nouvelles les plus fraîches possibles non pas du contenu des négos, mais de leur évolution.

La vie continue

Il n'y a pas que le lockout dans la vie. La vie, elle continue. Et c'est dans l'angoisse que ça se passe pour Pierreson Vaval.

Pierreson Vaval, âme dirigeante d'Équipe RDP

Aujourd'hui, mardi, Pierreson est à Québec. Il rencontre le ministre responsable de la Jeunesse, du Tourisme, du Loisir et du Sport, Richard Legendre, pour lui parler de la survie de son organisme. «Équipe RDP», un groupe communautaire du quartier Rivière-des-Prairies, à Montréal, fait de petits miracles pour juguler l'expansion des gangs de rue depuis 5 ans. Mais voilà, après le 22 avril, si rien n'est fait, Équipe RDP sera rayée de la surface de la planète.

Le logo d'Équipe RDP à l'école secondaire Jean-Grou

Les animateurs d'Équipe RDP fonctionnent à l'année longue. L'hiver, pendant l'année scolaire, ils organisent notamment du basketball après les classes, une façon efficace de sortir les jeunes de la rue: «Quand les jeunes finissent leur partie, dit Pierreson, ils rentrent chez eux et ils vont se coucher», explique Pierreson. Et l'été, avec grosso modo la même équipe d'animateurs, Équipe RDP sillonne les parcs du quartier dans le cadre de ce qu'ils appellent simplement l'«intervention de soirée».
Une recette d'une simplicité désarmante, mais qui a fait ses preuves à Rivière-des-Prairies. À un point tel, que le chef du poste de police du quartier, le commandant Claude Charlebois, est avec Pierreson à Québec pour tenter de convaincre, lui aussi, le ministre Legendre! «Les têtes dirigeantes des gangs habitent dans le quartier, mais on les voit beaucoup moins dans la rue» que dans les quartiers voisins, souligne-t-il, en souhaitant que le modèle d'Équipe RDP, dont il est aussi membre du c.a., soit étendu à d'autres arrondissements.

Jean-Claude Gobé, député libéral de LaFontaine

Ils ont aussi mis dans le coup le député du coin, Jean-Claude Gobé, qui a même posé une question sur la survie d'Équipe RDP à l'Assemblée nationale mercredi dernier. Maladroitement, mais il l'a posée quand même.

Erreur de super, c'est Vaval, et non Laval

Et pour le moment, il n'y a que le réseau Global qui s'est intéressé au sujet. Donc, *hint* *hint*, il y aurait un très intéressant suivi à faire pour nos collègues de la presse écrite ou électronique francophone. Un portrait écoeurant pour Nathalie Petrowski ou Franco Nuovo ou Brian Myles. Une personnalité de la semaine pour La Presse.
D'autant plus que ce n'est pas une traditionnelle histoire d'«organisme» et d'«intervenant du milieu». Pierreson Vaval est carrément ce que je pourrais appeler un entrepreneur social. Parce que 80% de son financement, depuis 5 ans, est venu non pas de programmes pour lutter contre les gangs... mais d'Emploi Québec! «Nous on entend que Québec a mis 700 000 dollars pour les gangs, dit Pierreson. On n'a pas du tout vu cet argent-là.»
De l'argent, pourtant, il en aurait pour continuer: «J'ai de l'argent pour engager du nouveau monde, mais pas pour garder mes animateurs actuels», déplore-t-il. Et Dieu sait que l'intervention auprès des jeunes, ça ne se fait pas en criant «machette». Il faut gagner leur confiance au prix de mois d'efforts soutenus. Si les animateurs changent toutes les saisons, Équipe RDP n'est plus efficace.

Pierreson Vaval, en réunion avec ses animateurs-trices

En attendant, Pierreson Vaval, lui, est drôlement efficace. Pour l'avoir vu travailler, j'ai pu constater tout son ascendant sur les jeunes qui le voient comme un modèle. Il a un charisme unique et un sens social peu commun: «Je me sens un peu missionnaire, là-dedans, admet-il. J'ai fait ça parce que je ne voulais pas laisser les jeunes de ma communauté se dégrader.»
Montréal et le Québec ont de la chance d'avoir des citoyens comme Pierreson Vaval, mais après cinq ans, sa vocation s'essouffle: «On préfère s'arrêter si on n'est pas pris au sérieux. Ça sert à rien d'éteindre des feux tout le temps.»
Reste à voir si le ministre Legendre saura être plus qu'un pompier.

lundi, avril 15, 2002

Élections partiellement couvertes

Trois élections complémentaires avaient lieu aujourd'hui dans les circonscriptions d'Anjou et de Viger (dans l'est de Montréal) et de Saguenay sur la Côte-Nord. Le syndicat avait dit qu'il avait conclu des ententes avec les partis libéral et québécois (ADQ, je ne sais pas...) faisant en sorte que ces derniers refusaient l'accès aux techniciens et réalisateurs de Radio-Canada. Plusieurs employés en lockout avaient de toutes façons érigé des piquets que leurs collègues n'ont pas franchi par solidarité.
Cette soirée électorale s'est déroulée sans images des candidats ou même des chefs sur les ondes de Radio-Canada, ce qui se reflète également sur le site web des nouvelles où n'ont été mises en ligne que des diapositives des résultats.
Philippe Schnobb a publié des photos de l'opération telle que vécue à l'un des locaux électoraux du Parti québécois à Anjou, comté où c'est un peu grâce à lui si des partielles avaient lieu aujourd'hui.
Voici ce qui s'est passé du côté du chic buffet «Le Rizz», rue Jarry, où célébraient les troupes libérales des deux circoncriptions de Viger et Anjou et où une vingtaine d'employés en lockout s'étaient donnés rendez-vous.


Opération élections complémentaires18h45
Arrivée des troupes de choc.



Opération élections complémentaires19h00
L'un des dirigeants du comité de mobilisation du SCRC, Michel Sénécal, fait connaissance avec la responsable des communications du Parti libéral. Martine Painchaud est une ancienne de la radio et des nouveaux médias de Radio-Canada. On va bien s'entendre. Mais pour le moment, son mot d'ordre est : «Bienvenue aux caméras».



Opération élections complémentaires19h10
Par hasard, une salle voisine de celle des Libéraux est louée par la Fraternité inter-provinciale des ouvriers en électricité (FTQ-CTC). Des ouvriers de la construction qui se demandent ce qu'un piquet de la CSN fait là. Après explications, ils offrent leurs bras en cas de besoin.



Opération élections complémentaires19h40
Arrivée du reste de l'équipe technique de RC, suivis de la traditionnelle camionnette rouge de Kolossal. «Y nous suivent comme des p'tits chiens de poche», raconte un collègue technicien, tout sourire.
Les deux agents qui, ensemblent, totalisaient bien 145 ans d'âge, n'ont fait qu'observer de loin le déroulement de l'opération sans jamais intervenir. Ils ont fait leur travail avec célérité, refusant même des Timbits gracieusement offerts par votre humble serviteur.



Opération élections complémentaires19h45
Pour la forme, le mât de transmission micro-ondes est déployé parallèlement à cette tour, située à Saint-Léonard.



Opération élections complémentaires20h20
Les invités libéraux commencent à affluer, dont Fatima Houda-Pépin, députée de La Pinière. Intriguée par les piquets, elle a posé des questions... pour finalement signer une pétition réclamant la fin du lockout, chose qu'elle fait rarement, dit-elle: «Je ne signe jamais de pétitions, mais je veux bien signer la vôtre.»



Opération élections complémentaires21h05
À cause d'une panne d'électricité en début de journée, le scrutin a été prolongé de 55 minutes à Anjou. Qu'à cela ne tienne, ce délai donne encore plus de temps aux techniciens et réalisateur de fraterniser avec les piqueteurs, au point de ne plus savoir qui est qui.



Opération élections complémentaires21h10
Pendant ce temps-là, Michel Sénécal essaie de rejoindre l'organisateur en chef des Libéraux, Pierre Bibeau.
C'est que la responsable des communications, Martine Painchaud, veut toujours donner accès aux caméras de RC, à l'encontre de la décision pourtant prise plus tôt par le Parti libéral.



Opération élections complémentaires21h25
Michel Sénécal tente encore de séduire l'impassible Martine...



Opération élections complémentaires21h35
... qui reçoit finalement l'appel de son patron. Elle invite ensuite l'équipe technique de Radio-Canada à ne pas franchir une ligne de piquetage, ce qu'ils faisaient déjà. Tout compte fait, la position des Libéraux n'était pas d'interdire les caméras, mais bien de ne rien faire pour permettre qu'une ligne de piquetage soit franchie. Nuance.



Opération élections complémentaires22h00
Le Téléjournal commence.
Le mât peut être rangé.


Deadlock

Délicieux nom que se sont donnés les membres du band du lockout. Deadlock a une consonnance juste assez Spinal Tap pour faire sourire, et c'est un mot qui décrit bien la situation actuelle.
Je suis allé voir les collègues musiciens au cours de leur cinquième répétition cet après-midi, au bar «Saint-Laurent 2», de biais avec Ubisoft. Ils m'ont sérieusement électrisé! Ils sont excellents! Et ils se produiront sur l'heure du midi, le mercredi 17 avril (demain, finalement... remis au lendemain en cas de pluie). Et plusieurs fois par la suite, j'espère.
Les voici en quelques photos.

Le band du lockout en répétition
Guy Lapointe, «Bono» du groupe. En lockout et dans la précarité, ça fait «Accueil Bono».


Le band du lockout en répétition
Jean Sawyer, transformé par le groove, chantant avec Michèle Mercure.
Pierre Bouthillier et Koceïla Louali à l'arrière-plan, s'amusent comme des petits flous.


Le band du lockout en répétition
Koceïla Louali, backup vocals


Le band du lockout en répétition
Alexandre Touchette, «Ashley McIsaac» du groupe


Le band du lockout en répétition
Éric Plouffe, seul drummer au monde capable d'effectuer 100 rimshots d'affilée avec les doigts


Le band du lockout en répétition
Jacques Bertrand, «Elton John» du groupe

Voici donc le roll-call:
Jacques Bertrand, animateur Macadam Tribus, claviers
Pierre Bouthillier, recherchiste RDI, guitare, voix
Charles Gervais, nouveaux médias, percussions
Guy Lapointe, rédacteur RC RDI, guitare, voix
Koceïla Louali, nouveaux médias, voix
Michèle Mercure, avec Macadam Tribus, guitare, voix, tambourin
Eric Plouffe, nouveaux médias, batterie
Jean Sawyer, reporter tv, guitare
Alexandre Touchette, nouveaux médias, violon
Pierre-Marcel Veilleux, documentation visuelle, basse

Out dogs


Hotdogs vendus par les collègues de la radio et de la tv anglaise

Je «file» album de photos ce soir.
Voici un autre exemple de solidarité au profit du comité d'entraide qui, soit dit en passant, recueille environ 100 dollars par jour pour les employés dans le besoin (nous ne sommes pas tous de grosses vedettes). Les collègues de la radio et de la télévision anglaise ont emmené un barbecue, des saucisses, des condiments et hop: My own private greasy spoon.
Un autre exemple qui me fait remonter ma cote de confiance Standard & Poor's envers l'humanité.

La précarité n'est pas toujours ce que l'on croit


André Raymond

Voici le témoignage d'un autre radio-canadien que le conflit a transformé. Dans le cas d'André Raymond, recherchiste, l'image de l'incroyable Hulk ne colle cependant pas. Ce sont plutôt les mots de Félix Leclerc, dans L'alouette en colère, qui me viennent à l'esprit: «Et moi je sens en moi; Dans le tréfonds de moi; Malgré moi, malgré moi; Pour la première fois; [...] Entre la chair et l'os; S'installer la colère».

    [...] Je suis à la télévison générale de Radio-Canada depuis plus de neuf ans. J'y suis venu par hasard et considère toujours cela comme un privilège. À chaque année, on renouvelle mon contrat sans remise en question, sans évaluation, sans chantage. Et sans même que j'aie eu à souffrir l'angoisse et l'incertitude inévitables puisque je suis recherchiste sur l'émission la plus stable de Radio-Canada: Le
    Jour du Seigneur, la messe télévisée du dimanche matin. Cette émission a pour bouclier la respectabilité de son âge (50 ans en décembre 2003), la fidélité de son auditoire et la pertinence du service-mandat qu'elle rend au public. En prime, dans le rapport de la Société au CRTC, elle contribue largement  à la représentation régionale! C'est derrière cette armure que se réfugie ma précarité, bien en sécurité dans l'édredon de ma spécialité et sur le coussin brodé des vingt ans de service de mon prédécesseur devenu réalisateur-coordonnateur. Bref, ma permanence à Radio-Canada ne vient pas de ma convention, mais de l'émission pour laquelle je travaille, et c'est une précarité dont on peut très bien s'accommoder! 
    Cela ne m'a pas empêché de refuser les offres patronales et de manifester solidairement avec mes collègues depuis une vingtaine de jours pour que des conditions de travail «civilisées» et honnêtes soient offertes. Toutes ces heures sur le trottoir m'ont cependant rendu autrement précaire; dans cette boîte où tout devient relatif, même le plus élémentaire ne tient plus.  Et c'est ce «pèlerinage de ma conscience» que j'avais le goût de partager.

    Toutes ces fois où mes attentes pour le très radio-canadien
    Jour du Seigneur ont été déboutées, je me suis dit que cela relevait de la spécificité de l'émission, une émission «intouchable» qui embête nos patrons qui ne comprennent ni le contenu, ni l'attachement énorme de l'auditoire pour cet «irréductible». Pour garder le feu, j'ai fait comme tant d'autres et j'ai partagé en deux ma vision de notre univers SRC: d'une part les artisans et les techniciens et de l'autre les technocrates, ceux qui gèrent insensiblement les passions des autres.
    La tour vue du trottoir offre une autre perspective et je comprends autrement les choses: il n'y a pas de projet radio-canadien, il n'y a pas de mandat, il n'y a pas ce sens honorable du service public dans la vision des gestionnaires de la Société. Si cela était, il y a longtemps qu'on ce serait inquiété du sort actuel des émissions. Les négociations auraient un autre rythme; on ne s'inquièterait pas de refaire son maquillage pendant que la maison brûle. Et ce sentiment de trahison a été fouetté par la nouvelle de l'entente de principe au
    Journal de Montréal; si un employeur aussi intransigeant que Péladeau peut en venir rapidement à une entente, pour un journal privé, notre lock-out dans une Société publique est de l'abus de pouvoir.
    Et ma confortable précarité du début se transforme peu à peu en crainte. Je sais que cela ne se règle pas à travers une convention collective: les attitudes et les jeux de coulisses nous échappent toujours. Si l'attachement de nos gestionnaires pour la Société est à ce niveau d'irresponsabilité, c'est que plus rien ne tient. Pas même la permanence apparente de mon émission.... Ma précarité grandit au fur et à mesure où je découvre le vrai visage de ceux qui m'emploient. Et qu'on ne me redise jamais qu'ailleurs, c'est pire. Il n'y aurait de pire que là où on veut tuer l'entreprise.

    Je sais maintenant pourquoi je me reconnais de cette bande de fous qui ont pris le risque de dire leur colère pendant 24 heures; nous aimons tous davantage Radio-Canada que nos grands patrons. Et nous avions le goût de le dire autrement, une fois pour toutes


André Raymond

Reprise des négos!

Communiqué de Radio-Canada envoyé à 15h15
    RADIO-CANADA ACCEPTE LA PROPOSITION DU MÉDIATEUR DE MISER SUR LA BONNE FOI DES PARTIES POUR RELANCER LE PROCESSUS DE NÉGOCIATION

    S'appuyant sur la proposition du médiateur de miser sur la bonne foi des parties, Radio-Canada accepte de retourner à la table de négociation dès demain.
    Cette relance se fait dans le respect des engagements négociés avec le syndicat et entérinés par les deux parties, tel qu'en fait foi le communiqué émis le 3 avril dernier par le syndicat.


Il commençait à être temps!

dimanche, avril 14, 2002

Le coût social de la précarité

Affectateurs, journalistes, rédacteurs en chef des autres médias, je vous invite à cueillir cette nouvelle.

Bouquet pour une infirmière disparue

Ces fleurs sont à la mémoire de Francine, une infirmière qui s'est enlevé la vie chez elle il y a une dizaine de jours. Avec une demi-douzaine d'autres bouquets, elles embaument les corridors du «4e centre», une section de l'Institut de cardiologie de Montréal où les collègues de Francine n'en continuent pas moins de se démener. Elle travaillait ici, mais elle aurait pu travailler dans n'importe quel autre hôpital...
C'est Vitalie Perreault qui, après m'avoir écrit une première fois m'a réécrit quelques jours plus tard pour m'apprendre la terrible nouvelle: «Cette femme, qui m'a tant inspirée quand j'ai commencé dans la profession il y a 10 ans, elle qui après plus de 20 de service avait encore le feu sacré pour la profession, eh bien elle s'est suicidée cette semaine. Dans sa lettre de 7 pages expliquant son geste, la raison principale évoquée et détaillée concernait les conditions de travail actuelles.»
La précarité tue, ma foi! (Et c'est là qu'il faudrait faire un travail journalistique pour lequel je ne suis plus équipé: quel est le nombre de burn-outs et/ou de suicides chez les infirmières, ou dans d'autres métiers où la précarité est la norme? Y a-t-il là un «trend» qui vaudrait la peine de faire l'objet d'une enquête du coroner, comme les suicides de joueurs compulsifs?)

Je n'ai pas eu accès à la lettre qu'a laissée la disparue chez elle avant de mourir. Mais il y a un peu plus d'un an, à l'époque où Lucien Bouchard était encore premier ministre, Francine lui avait écrit une lettre la rage au ventre. Elle l'avait également fait parvenir à différents journaux, qui ne l'ont pas publiée. Voici la lettre, qui prend une dimension tragique aujourd'hui:

    Monsieur Lucien Bouchard, premier ministre

    Ce matin, je me suis levée en pleurant...
    Ce matin, j'ai tellement mal aux pieds que je ne peux qu'endosser mes pantoufles de «minou rose» bien rembourrées.
    J'ai 52 ans et je suis infirmière à temps plein.

    Monsieur Bouchard et la gang, je vous haïs tellement que je clame haut et fort que, si vous avais comme patient, j'aimerais bien vous arracher quelques poils en enlevant votre pansement, ou vous manquer en installant votre soluté, ou vous piquer trois fois avant de réussir votre prise de sang...!
    Mais tout ce que je peux dire n'est que du vent, car le fond de mon âme est bon et ma conscience, ma morale et mon professionnalisme ne me permettent en aucun cas de déroger à ma bonne conscience.
    Mais Dieu sait que j'aimerais le faire!

    Pour tout vous dire, je me sens abusée, inconsidérée et sous-rémunérée pour la somme de travail accomplie... Pourquoi? Parce que je suis une femme?
    Parce que si j'étais un homme, si j'étais une police, un chauffeur d'autobus, un col bleu ou un pompier de la Ville de Montréal, je couperais des boyaux d'arrosage, je vandaliserais des équipements, je tapisserais des autobus et je me déclarerais soudainement malade les congés de Noël, du jour de l'An et de Pâques...
    Je serais mieux payée et je ne travaillerais plus comme une folle à taux simple à Noël, au jour de l'An et à Pâques!!!

    Tous les patients reconnaissent que nous travaillons très fort. Tous nos patients n'en reviennent pas dela qualité des soins qu'ils reçoivent, de l'attention et de la connaissance (compétence), de la sécurité qu'ils ressentent (je travaille à l'Institut de cardiologie de Montréal).

    Serais-je encore capable dans quelques mois de performer autant? Actuellement, il faut que je me couche à 20h30 ou 21h pour être capable de présenter une infirmière souriante et en forme le matin à mes patients. Devrais-je me coucher à 19h dans quelques mois pour être encore capable? Qui prendra la relève? Les petites filles ne veulent plus aller étudier en «nursing». Pourquoi?
    Je me le demande!


Mercredi et jeudi dernier, je suis allé voir les infirmières du 4e centre, notamment Sonia Huneau, l'une de ses proches collègues qui me fait penser à la marraine-fée dans Cendrillon. Un concentré de bonté et de gentillesse, Sonia a commencé sa carrière en 1965 et, 37 ans plus tard, elle sourit encore quand on lui demande de parler de son métier.

Sonia Huneau, à l'avant-plan, à gauche... à l'arrière-plan, d'autres fleurs...

Elle prend cependant un air plus grave quand vient le moment d'aborder le suicide de Francine: «Elle aussi, elle aimait son métier, se souvient Sonia. Mais elle avait l'impression de mal faire sa job depuis quelques années.» Sonia raconte que sa collègue était d'un «professionnalisme impeccable». Comme bien des infirmières, elle se sentait mal de ne pas toujours accorder le temps qu'elle aurait souhaité à ses patients...
Sonia explique qu'avec les années, les infirmières n'ont plus le temps de soigner: «Dès l'entrée du patient dans notre unité, il faut prévoir sa sortie. On n'a plus le temps de lui parler. Le checkup, ça n'existe plus et on a l'impression de brûler les étapes.»
Non seulement leur travail diminue en qualité, donc, mais il augmente en quantité: «Notre semaine, à la base, est de 37 heures et demie. Mais avec la surcharge de travail, pour ne pas laisser nos compagnes dans le trouble, il n'est pas rare de faire trois ou quatre shifts complets de plus chaque semaine!» Elle-même, à l'aube de la soixantaine, se tape deux quarts complets de plus par semaine. Comme si elle travaillait sept jours sur sept.
Pour encourager les infirmières à faire ce genre de régime, Québec avait fait en sorte qu'elles soient payées à temps double pour le premier quart complet supplémentaire, les quarts subséquents étant payés à temps et demi. Un petit 79$ de plus par jour (avant impôt) qui était apprécié: «Mais ils nous l'ont enlevé, déplore Sonia. C'est cheap
Les conditions de Sonia et de Francine font bien pâlir notre précarité radio-canadienne...

Yannick Villedieu, à la manif d'Ottawa

Quand j'ai rencontré Yannick Villedieu, à la manif de mercredi dernier, à Ottawa, je lui ai soumis l'histoire de Francine. Sans faire de lien entre la précarité des radio-canadiens et celle des infirmières, l'auteur de Un jour la santé a néanmoins souligné que l'augmentation de la précarité en emploi peut expliquer une dégradation générale de la santé physique et mentale des citoyens.
«Un des déterminants majeurs de la bonne santé, dit-il, c'est le sentiment de contrôle sur ta vie. Es-tu une personne qui se sent complètement aliénée, vieux concept marxiste, ou es-tu quelqu'un qui a une emprise sur sa vie?» Plus les emplois sont précaires, selon lui, moins les gens ont le sentiment de contrôler leur vie. Et par conséquent, plus l'état de santé général se dégrade. Le Québec n'est pas le champion du monde des suicides, précise-t-il. Mais il pourrait valoir la peine d'étudier la corrélation entre la précarité en emploi et le taux de suicide.

Bon. Mais finalement, quel est le rapport entre tout cela et le lockout à Radio-Canada? Ce n'est pas moi qui le fait, le lien, mais l'infirmière Vitalie Perreault à la fin de son second courriel:

    «Alors je vous regarde aller avec vos négos et votre lock-out et je me dis qu'il faut que vous réussisiez à renverser la vapeur. Il le faut pour vous, mais aussi pour tous les autres. Le Québec a besoin d'un exemple exemplaire de solidarité et de justice dans les conditions de travail. C'est platte pour vous autres, ça vous donne une grande responsabilité, mais en tant que communicateurs, je pense que vous saurez raconter votre aventure et convaincre les gens que oui, le changement dans les conditions de travail, l'équité salariale, les avantages sociaux, c'est possible.»

Nous sommes tous Radio-Canada

Voici un message d'un journaliste qui est conscient qu'il n'est que la pointe visible d'un iceberg dont la partie immergée vit dans la précarité. L'information est un travail d'équipe. Quand plus de la moitié de cette équipe est formée d'employés de second ordre, il y a quelque chose qui cloche. Denis-Martin Chabot plaide en faveur du changement.

    Denis-Martin Chabot, lors du party de Noël (seule photo que j'aie de lui)
    From: "DMC"
    To: hugo@reporters.net
    Subject: Salutations
    Date: Fri, 12 Apr 2002 22:38:35 -0300

    [...] Salut chers collègues en lock-out du Québec et de Moncton. Je suis votre collègue correspondant national du service de l'information télévisée en Atlantique et je veux vous offrir mon appui et toute ma solidarité dans ce conflit de travail. Je ne sais pas si je serai réprimandé pour vous avoir transmis mes salutations et mon appui. Mais j'imagine que j'ai le droit d'exprimer mon opinion et que je ne serai pas censuré ou puni par mon employeur.

    J'aime Radio-Canada. J'ai donné à cette boîte près de 18 ans de ma vie. J'adore mon travail et je suis un passionné de l'information. J'espère d'ailleurs pouvoir continuer à pratiquer mon métier à Radio-Canada pendant longtemps, mais comme vous tous, je veux des conditions équitables pour tous.

    D'abord, je suis solidaire de votre lutte qui est juste. Ce n'est pas normal que les hommes soient mieux payés que les femmes. Ce n'est pas normal non plus que le syndicat du dossier anglais obtienne de meilleurs salaires que ceux du dossier français. Cela se passe de commentaires supplémentaires. Nous sommes en 2002 pas en 1940. Come on!

    Deuxièmement, il est plus que temps que ces gens qui donnent leur coeur et leur âme à Radio-Canada soient considérés comme des vrais employés et non comme des vulgaires chiffons--j'évite la couleur ici--dont on peut disposer à sa guise.
    Quand j'ai commencé à Radio-Canada Ottawa, j'ai passé deux ans à contrat pour remplacer pendant les étés. Puis j'ai passé presqu'un an à Toronto toujours comme temporaire et j'ai vécu de contrat à contrat, trois mois en trois mois, avec des dettes d'études sans savoir du jour au lendemain si j'avais toujours un salaire pour les rembourser.
    J'ai donc obtenu la permanence après trois ans.  J'ai pu poursuivre ma carrière et me voilà rendu correspondant national à Halifax. En fait, j'ai un bon poste, une bonne job et un bon salaire. Alors pourquoi si j'ai tout ce qu'il me faut je m'intéresse à votre conflit? D'abord, parce que je crois à la justice

    Quand je vais à Montréal et que je vois ces jeunes aux yeux remplis d'ambition et d'enthousiasme qui veulent pratiquer notre beau métier mais qui ne savent pas d'une fois à l'autre s'ils auront du travail, ça me brise le coeur. Je m'en fais pour ceux qui me soutiennent dans mon travail. Je pense à tous les rédacteurs qui m'aident à mieux écrire mes topos à bien présenter par leurs précèdes, aux assistants des moyens de production qui se dévouent pour s'assurer que mes topos soient bien reçus et diffusés au CDI, aux autres assistants qui s'occupent de mes supers, de mes timings, des tableaux et tous les autres détails, aux commis aussi qui courent les cassettes et les textes, aux annonceurs aussi qui présentent mes reportages avec intelligence et tous les autres que je n'ai pas mentionnés. Je suis outré de savoir que tant d'entre eux ne sont pas des employés permanents réguliers. En fait, par leur statut de temporaires ou de contractuels, ils deviennent des employés de deuxième classe. Il faut que cela cesse.

    Je suis certain que de permanentiser ces gens-là ne mettra pas Radio-Canada en faillite. Si on peut les payer comme contractuels ou temporaires, on peut certainement les payer comme permanents.
    Et ce n'est pas qu'une question de justice. Il y a aussi le rendement au travail et cela me touche directement dans mon travail. C'est même un peu égoïste de ma part mais lisez ce qui suit: si les gens avec qui je travaille et qui me font bien paraître en ondes ont de bonnes conditions d'emploi, ils vont mieux performer et mes reportages paraîtront mieux en ondes.

    Troisièmement, que dire de la clause présidentielle. Je suis éberlué que les autres syndicats dont le mien l'aient abandonnée. J'espère que vous réussirez à la maintenir et que cela serve d'exemple pour les autres syndicats.

    Nous sommes Radio-Canada, nous sommes la référence en information et en qualité de programmation, ne devrions-nous pas l'être aussi dans nos conditions de travail ?

    En solidarité, Denis-Martin Chabot

Une vie dans la précarité

Une autre voix connue de la radio. Une autre histoire d'horreur.
Après quelques années de permanence, Normand Séguin n'a pratiquement rien connu d'autre, dans sa carrière, que la précarité. Il est un exemple vivant de ce qui attend toute une génération si rien n'est gagné aujourd'hui sur le front de la lutte à la précarité. (Les caractères gras sont de moi).

    From: "normand seguin"
    To: hugo@reporters.net
    Subject: Précaire à vie
    Date: Fri, 12 Apr 2002 21:26:50 +0000

    Il y a trente ans, j'entrais comme annonceur au service d'une institution que je croyais remarquable. J'étais fier d'être un radio-canadien, j'admirais la culture de l'entreprise et j'aimais travailler pour une boîte qui suscitait l'admiration. Comme plusieurs, j'ai fait mes classes à l'extérieur du Québec. Originaire de Montréal, on m'avait dit que mon exil en patrie anglophone ne durerait que deux ans. Le séjour s'est prolongé faute de postes vacants à la tête du réseau.
    J'ai donc travaillé cinq ans à Windsor et quatre à Edmonton. Neuf ans en tout loin de ses racines, je vous jure que c'est long, surtout quand on a un enfant que l'on veut voir grandir en français.
    J'ai tenté de me faire muter à Montréal mais en vain. Le v.p. d'alors m'a fait savoir que Radio-Canada n'était pas une agence de voyages. J'ai donc pris la décision déchirante de quitter ma permanence et de déménager à mes frais sans aucune perspective d'emploi. C'était en 1981, en pleine grève des journalistes.

    Le conflit réglé, j'ai effectué plusieurs démarches auprès de la SRC à Montréal. À force de frapper aux portes, j'ai finalement décroché un poste d'annonceur auxiliaire qui s'est par la suite transformé en poste temporaire à temps plein. J'ai ainsi travaillé de semaine en semaine, sans contrat jusqu'en 1996 où on m'a mis à la porte parce que j'étais le seul employé temporaire au FM. J'avais pourtant à mon crédit 24 ans de loyaux services.

    À 48 ans, je n'avais jamais contibué à un régime de retraite ni reçu de pourcentage pour m'en construire un. J'avais besoin de travailler. Je me suis retroussé les manches et j'ai fait une demande d'emploi auprès du service des nouvelles-radio. Après avoir passé mon test de connaissances générales et de journalisme, je me suis retrouvé journaliste-présentateur temporaire sur appel. Bouche-trou un jour, bouche-trou toujours. C'était en 1997. Nous sommes en 2002 et j'ai toujours le même statut. J'aimerais bien savoir pourquoi un employeur supposément sérieux a besoin de mettre un employé à l'essai pendant plus de vingt ans sans jamais lui offrir une permanence?

    J'ai maintenant 53 ans et je suis toujours aussi précaire sans régime de retraite. Il se fait tard pour moi et je n'ai pas d'autre choix que d'accepter mon sort. Je ne voudrais cependant pas qu'une situation comme celle que j'ai vécue soit le lot de mes jeunes et fort talentueux camarades de travail. C'est surtout pour eux que ce combat contre la précarité me tient tant à coeur. Il ne faut surtout pas battre en retraite sur ce point crucial. Il s'agit ici d'équité, de dignité humaine dans une société dite civilisée.

    Normand Séguin.

Négociez! C'tu clair?


Luc Chartrand n'entend pas à rire: négociez... or else!

Luc Chartrand m'envoie cette photo extraite de son album d'Afghanistan. Un message aux négociateurs patronaux comme syndicaux que les membres commencent à en avoir ras-le-bol de ces tataouinages! Avec le sourire

Opération tracts

2 heures.
5000 tracts distribués.
351 signatures sur une pétition demandant à Radio-Canada de mettre fin au lockout.
Voilà le bilan de l'opération «Saint-Denis», une expérience, dit Philippe Schnobb, qu'il faut répéter partout, de la rue Fleury, au Carrefour Laval, en passant par la place Versailles et les Promenades St-Bruno!

Le moral des troupes

Rien n'a été mis en ligne vendredi soir et presque rien samedi pour cause de «break syndical».;-)
Ce fut un vendredi intense sur les piquets à Montréal. D'abord, trois assemblées d'information se sont déroulées au sous-sol de l'église Saint-Pierre-Apôtre.

Assemblee d'information
Robert Frozi, à l'avant-plan.

Trois assemblées où, encore une fois, le syndicat s'est fait brasser. Plusieurs n'ont pas apprécié qu'on leur dise qu'ils devaient obligatoirement participer à la manif de l'avant-veille, à Ottawa, sinon ils ne recevraient pas leur chèque du fonds de défense professionnelle (le fameux 220$) cette semaine-là. Leur présence n'était pas obligatoire finalement, mais ce n'est pas là l'information qui leur avait initialement été transmise par le syndicat.
Autre problème: lorsque les premiers chèques de 220 dollars ont été distribués cette semaine, certains n'en avaient pas. Ils avaient pourtant piqueté, mais avaient omis de se «rapporter»; ou encore n'avaient pas fait le 20 heures de piquetage requis... Pour obtenir leur pitance, ils devaient s'expliquer, ce qu'ils ont comparé à un passage au confessionnal. Plusieurs ne l'ont pas trouvé drôle et réclament même que le fonds devrait être offert de facto à tous les employés en lockout.

Animation sur les piquets

Autrement, le moral semble bon. Il fallait voir les pancartes virevolter au rythme de Jacques Dutronc, vendredi midi sur le boulevard René-Lévesque. Monique Giroux animait l'heure du midi à partir de ce qu'on appelle le «camion libre», une discomobile installée sur le trottoir, quoi. Elle avait rebaptisé son émission Les refrains dehors pour l'occasion.

Animation

Sur le trottoir, de nombreux employés de l'intérieur (caméramen, réalisateurs, etc.) sont venus jaser avec les exclus que nous sommes. Ils nous disent que l'ambiance de l'extérieur contraste avec la morosité de l'intérieur. «Il y en a plusieurs qui sont en crisse contre la direction», m'a confié un réalisateur. Ah oui? Je demande des explications et il me raconte que de nombreux cadres (des patrons, des administrateurs/trices, etc.) sont forcés, en ce moment, de faire des heures supplémentaires pour faire une partie de notre travail. Et gare à eux s'ils refusent. Ils ne sont pas syndiqués, eux...
Vivement que les dirigeants de Radio-Canada s'ouvrent aussi les yeux à cette autre forme de précarité!

Honte

J'ai honte de ce que je lis sur la page d'accueil du site «Conflit» mis en ligne par Radio-Canada. Au cas où la page changerait, voici le texte que je copie et colle ci-dessous:

    «ENTENTE DE PRINCIPE AU JOURNAL DE MONTRÉAL

    Voici une comparaison entre l’offre qui a fait l’objet d’une entente de principe,
    le jeudi 11 avril 2002, au Journal de Montréal et l’offre refusée par le SCRC

    Journal de Montréal
    2001     Forfait
    2002     2 %
    2003     2,5 %
    2004     2,5 %
    Radio-Canada
    2001     Forfait
    2002     3 %
    2003     2 %

    Malheureusement, l’offre de Radio-Canada
    a été refusée par le syndicat…, ce qui a déclenché le conflit actuel»


C'est honteux, parce que dans toutes les assemblées générales auxquelles j'ai assisté, et j'y suis resté d'un bout à l'autre, une d'entre elles ayant même duré plus de 11 heures, PERSONNE n'est intervenu pour dénoncer les offres salariales, même si les employés de Radio-Canada gagnent considérablement moins que ceux du Journal. Je suis persuadé que s'il n'y avait été question que de salaires, les offres auraient été acceptées.
L'enjeu de ce conflit est la PRÉCARITÉ, non les salaires.
Faire croire au public que nous avons refusé les offres uniquement sur la base des salaires est d'une malhonnêteté intellectuelle à laquelle je ne m'attendais vraiment pas d'un employeur de la qualité de Radio-Canada.

MISE À JOUR:
Ce texte a été retiré de la page d'accueil du site spécial de Radio-Canada le 15 avril 2002.