samedi, avril 06, 2002

Le vrai conflit occulté par le lockout


Marie-France Lemaine

J'ai rencontré Marie-France Lemaine par hasard, rue Sainte-Catherine, vendredi soir. Marie-France est recherchiste sur appel à RDI. Une ultraprécaire, quoi.
Nous n'étions pas seuls. Cinq mille personnes avaient envahi la principale artère commerciale de la métropole. La plus importante manif à Montréal depuis des années.

Les principaux imams de Montréal devant un repaire d'infidèles
Ces imams ne font pas le lineup pour entrer dans cet établissement

Cinq mille Montréalais ont manifesté ni pour l'indépendance du Québec, ni contre l'indépendance du Québec, ni pour ou contre quoi que ce soit se déroulant au Québec. C'est l'opération militaire israélienne en Palestine qui les a galvanisée. Je n'avais jamais vu d'événement international mobiliser tant de gens dans les rues de la ville, et j'en ai couvert, des manifs. Des dizaines.

Une autre image de la manif

Même si, ce soir, Ariel Sharon promet de faire cesser son offensive, il n'en demeure pas moins que c'est la guerre en Palestine. D'importantes pages d'histoire s'y écrivent chaque jour. Les médias du monde entier sont là-bas.
Et Radio-Canada n'y est pas.




Closeup sur Akli Ait Abdallah

Voici les yeux et les oreilles de la radio de Radio-Canada en Palestine.
Voici carrément les yeux et les oreilles du Québec en Palestine.
Akli Ait Abdallah, journaliste québécois d'origine algérienne, parle arabe, la langue de Ramallah, la langue de Bethleem, la langue qui ouvre les portes de la Palestine.

Mais voilà. Akli Ait Abdallah n'est pas sur place. Il est ici.
Avec son lockout, Radio-Canada l'empêche de se trouver dans les rues de la Palestine et le force à arpenter les rues de Montréal avec une pancarte de la CSN dans les mains à la place de son micro.

Akli Ait Abdallah devrait plutôt se trouver dans les rues de Palestine

Bien sûr, on peut écouter CNN, TVA, ou les microtopos de 50 secondes à Info-690 pour avoir des nouvelles de la Palestine. Mais en empêchant Akli de faire son métier, Radio-Canada prive le Québec et le Canada français des meilleurs yeux et des meilleures oreilles pour nous faire comprendre l'Histoire.

Les blues du lockout


Bertrand Hall, le rocker du Point

Si le lockout réveille en certains des instincts de révolte, elle nous fait découvrir les artistes chez plusieurs autres. Troquant la pancarte pour la guitare, voici la chanson qu'a composée lundi Bertrand Hall et qu'il a chantée cette semaine sur les piquets. Même sans musique, ce texte saisit toute l'âme du conflit jusqu'à ce jour.

    LE BLUES DU LOCK-OUT

    M'en va vous raconter à c'theure
    La p'tite histoire d'un vrai conflit
    Pas un coup d'tête, un cri du coeur
    Ça fait longtemps qu'c'était pourri

    On débraye juste pour 24 heures...
    Pour s'ramasser.... tous Lock-Outés!

    Faut ben avouer que l'premier jour
    Y'en a kekzuns qu'y étaient pas pour...
    C'est ben beau d'avoir son voyage
    Y'a des homards qui aiment pas les cages...

    Fallait s'parler, on a su l'faire
    Pis là tout l'monde...est solidaire!

    J'en connais plus un seul maudit
    Qui sait pas keskqu'on fait ici
    Gras durs, précaires, surnuméraires
    On est tous dans la même galère

    Allô mon boss faut t'réveiller
    C'est assez la précarité!

    Pis être payé... Pis des congés...
    Pis qu'on respecte notre ancienneté...
    Laisse faire les boss
    Laisse faire les crosses
    On veut juste un peu d'équité
    C'est pas si dur à négocier!

    À force d'arpenter le trottoir
    C'est comme se r'garder dans l'mirroir
    Non seulement tu découvres les gens
    Mais tu ressens c'qu'y ont en-dedans

    J'sais pas si-on s'ra longtemps dehors
    Mais une fois rentré, j'sais qu'on s'ra fort!

    Le p'tit problème avec le mépris
    C'est qu'ça peut pas toujours durer
    C'est pas comme pour les temporaires
    Qui peuvent s'en faire toute une carrière!

    Pis l'jour ou la shit hit la fan
    On tire la plug, même pu d'Stéphan!

    Paraît qu'nos boss, découvrent soudain
    Que d'informer c'tout un métier
    Qu'la langue à terre à coeur d'année
    Ça en d'mande pas mal d'faire un bulletin

    Y reste plus rien qu'à espérer
    Qu'ils finissent par nous respecter!
    Pis nous traiter avec dignité
    Pour être libre de travailler
    Laisse faire les m'naces et les sarcasmes
    C'qu'on veut nous-autres c'est de signer...
    C'est pas si dur à expliquer!

    Ici gît Mépris-Canada
    Un gars une fille, paye pas pareille
    Ici fini d'faire rire de soi
    Que CBC ait d'plus grosses payes

    Si vous voulez d'la qualité
    Commencez donc par en donner!

    C'qui fait Fureur à Radio-Can
    Ce sont les burn-out répétés
    Kesseki faut d'plus pour qu'y comprennent
    Que c'est parce qu'y savent pas gérer

    Tu peux tirer sur l'élastique
    Étonne-toi pas quand y est pété!

    Mes chers amis j'vous quitte ici
    C'est à mon tout d'aller piqueter
    Pis j'vais vous dire c't'avec plaisir
    Que j'nous vois tous nous entraider

    À mille deux cents c'pas compliqué
    On ne peut pas... ne pas gagner!

    Faut rester debout! Pas jouer au fou!
    Mettre ses culottes, pis plus d'pinottes!
    Tends pas la joue, un deuxième coup
    Peuvent bien nous laisser à la porte
    Les vrais gagnants c'est déjà nous!

Espoir: les négociations se poursuivent samedi!

Sur la liste de distribution par courriel, Josée Bourassa nous apprend que syndicat et patronat ont négocié encore aujourd'hui, samedi. De très bonnes nouvelles! Normalement, en négos, on ne fait ce genre d'effort que lorsqu'on est tout près d'une entente. Le lockout tirerait-il déjà à sa fin?

L'une des conditions que Radio-Canada avait énoncées pour la reprise des négociations est que l'on discute en priorité d'une clause de la convention collective appellée la «clause présidentielle».
Cette clause au drôle de nom a une utilité capitale: elle permet à un employé qui, au retour d'un congé de maladie ne peut plus occuper l'emploi pour lequel il a été engagé, d'être replacé ailleurs au sein de Radio-Canada.
Voici le texte de Robert Verreault, atteint de rétinite pigmentaire. Ses yeux ne lui donnent plus qu'un champ de vision de 10° et de 11°. La définition d'un aveugle est celle d'une personne ayant moins de 20° de champ de vision.
Robert est aveugle et ne peut plus faire son métier de chef de pupitre à la radio.
Il craint que Radio-Canada ne cherche à supprimer la clause présidentielle. Et que le syndicat laisse disparaître cette clause pour gagner autre chose.
Voici son texte qui illustre bien la complexité de ce conflit.

Robert Verreault, aveugle, risque de perdre son emploi


    L'autre précarité (À propos de la clause «présidentielle»)

    [...] Les négociateurs patronaux souhaitent aborder en priorité la question de la clause présidentielle, une demande d'ailleurs jugée acceptable par le syndicat. Je pense que cette demande patronale montre bien l'importance que revêt cette clause à leurs yeux. Je pense qu'il est essentiel d'apporter quelques informations supplémentaires sur cette demande patronale et ses conséquences potentielles. C'est un dossier complexe et lourd de conséquences. J'essaierai d'être aussi bref et clair que possible.

    La clause en question (clause 52.2.3) commence ainsi:
      «L'employé rétabli qui ne peut plus occuper son ancien emploi est assuré d'un emploi au sein de la Société.»
    En la faisant disparaître, Radio-Canada souhaite pouvoir mettre un terme à votre emploi si au retour d'un congé d'invalidité vous n'êtes plus en mesure d'accomplir vos anciennes tâches. Elle pourra, si cela lui chante, tenter de vous
    accomoder. Mais sinon, vous n'aurez qu'à aller vous chercher un job ailleurs ou à vous retrouver sur l'aide sociale ou la Régie des rentes! Ce qui est particulièrement pernicieux dans cette situation, c'est que le "rétablissement" d'un employé malade n'est pas déterminé par son médecin mais par notre compagnie d'assurance, la Great-West.

    Lorsqu'un employé tombe en congé d'invalidité prolongé c'est, bien sûr, l'assureur qui verse ses prestations. Or, après deux ans, les critères d'invalidité se resserrent et dans la majorité des cas, la Great-West, juge et partie dans ces affaires, conclut que l'employé n'est pas invalide en vertu de ses propres critères. J'ai consulté il y a quelque temps un avocat spécialisé en droit du travail. Lorsqu'il a pris connaissance des critères en question il a eu le commentaire suivant: «Je n'en reviens pas de voir comme vous êtes mal couverts à Radio-Canada. Ça doit faire 20, 25 ans que je n'ai
    pas vu de clauses comme celles-là. Je pense que tout tribunal raisonnable estimerait qu'il s'agit de clauses abusives dans le contexte actuel.» Rassurant, non?

    Un exemple concret: le mien.
    Je travaille à Radio-Canada à Montréal depuis 1983 et suis permanent depuis 1989. Je suis en congé d'invalidité depuis un an et demi en raison de divers problèmes de santé dont le plus important est la rétinite pigmentaire, une maladie héréditaire qui mène à la cécité. Ma vision est déjà sérieusement affectée et je suis considéré aveugle du point de vue
    légal même si je conserve une vision partielle (moins de dix pour cent d'une vision normale). Que se passera-t-il à l'automne lorsque je franchirai le cap des deux ans et que la Great-West appliquera ses nouveaux critères? Tous ceux que j'ai consultés (et croyez-moi, des consultations j'en ai menées!) me prédisent le scénario suivant: la Great-West cessera ses paiements et Radio-Canada, en l'absence de clause présidentielle, pourra juger que mon lien
    d'emploi est rompu parce que je ne peux occuper mes fonctions de secrétaire de rédaction à temps plein. Je devrai vraisemblablement me tourner vers la Régie des rentes du Québec qui me versera moins de dix-mille dollars par année!

    J'ai appris dès l'automne dernier par le bureau de santé que Radio-Canada voulait voir disparaître la clause résidentielle. J'essayais d'expliquer à mon interlocutrice pourquoi je refusais de faire une demande de rentes d'invalidité à la Régie des Rentes du Québec malgré les pressions de la Great-West. Je lui expliquais qu'une telle demande risquait de rompre mon lien d'emploi à Radio-Canada. Elle m'a répondu: «Si c'est pour ça, c'est inutile. Radio-Canada va faire disparaître la clause présidentielle lors des prochaines négos et vous n'en n'aurez pas plus de sécurité d'emploi.»
    Vous savez ce qu'on m'a dit alors aux Ressources Humaines? «Fais-toi z'en pas avec ça. Tu pourras toujours travailler comme pigiste... pour Radio-Canada»!

    Il faut aussi comprendre pourquoi Radio-Canada fait cette demande maintenant. Il y a d'abord le vieillissement de la population. Le nombre de gens malades ne fera qu'augmenter aux cours des prochaines années. Mais il y a aussi et surtout le fait que la Great-West a signalé il y a quelque temps à Radio-Canada que le nombre d'employés en invalidité était anormalement élevé. Pourquoi cette anormalité?

    LA MOITIÉ DES GENS EN CONGÉ D'INVALIDITÉ DANS NOTRE SYNDICAT LE SONT POUR CAUSE DE BURN-OUT C'EST-À-DIRE D'ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL.

    Plutôt que de se demander si les conditions de travail qu'elle impose n'y sont pas pour quelque chose, la SRC choisit de se débarrasser de ceux qui ne tiennent pas le coup! Je suis sûr que vous comprenez à quel point il est pénible de réaliser, lorsqu'on est aux prises avec de sérieux problèmes de santé, que l'on risque, en plus, de se retrouver sous le seuil de la pauvreté parce que des gestionnaires ont eu la bonne idée d'économiser à nos dépens. De même, je suis sûr que que vous comprenez que vous pourriez vous aussi, demain ou après-demain, vous retrouver dans une situation semblable.

vendredi, avril 05, 2002

Génération Précarité

Un autre courriel éloquent, qui tisse des liens entre la précarité d'ici et la précarité d'ailleurs.
Des témoignages comme celui de Vitalie, ci-dessous, valent leur pesant d'or.
Radio-Canada est une entreprise qui est à l'écoute de ses téléspectateurs et auditeurs. Elle dispose d'un service à l'auditoire qui recueille vos courriels. Dites-leur votre façon de penser à cette adresse:

auditoire@fr.radio-canada.ca

    From: "Vitalie et Denis"
    To: hugo@reporters.net
    Subject: Précarité = normalité?
    Date: Wed, 3 Apr 2002 13:40:21 -0500

    Bonjour! [...] Radio-Canada constitue 90% de nos heures d'écoute (télé et radio). Depuis le lockout, je me rends compte que nos heures d'écoute étaient pas mal reliées aux informations...
    Et les informations sans animateurs, sans journalistes «live» (Louis Lemieux le midi, Philippe Schnobb le soir, et le nec plus ultra, Alexandre Dumas avec des banderoles jaunes sur les lieux du crime!), ben, sans journalistes, c'est plate les nouvelles!
    Ce qui me manque le plus, c'est l'équipe de
    C'est bien meilleur le matin. J'ai l'impression de commencer chaque journée du mauvais pied. Tout ça a eu pour effet de me faire perdre tout intérêt dans l'actualité, et mon score quotidien de Tous contre un s'en ressent! Bref, vous nous manquez tous beaucoup.

    J'en reviens au titre de mon courriel. Je suis infirmière et c'est fou comme on se ressemble! On est en pleine pénurie et les employeurs ne sont même pas foutus de nous confirmer nos disponibilités à l'avance! On doit attendre le téléphone, 2 heures avant le début du quart de travail. Et quand ils appellent, il faut leur dire oui, sinon on a droit à une lettre disciplinaire dans notre dossier... Pas évident de planifier ta semaine... Mais je ne dois pas me plaindre, car je suis en congé de maternité. Je te rapporte les faits vécus par mes collègues. Quelle chance j'ai d'être en chômage. Quand je regarde ça, je me dis que peu importe notre profession, nous vivons tous, nous les jeunes (+ ou - la trentaine), et ce, à des degrés divers, dans la précarité. Alors, pour notre génération, la précarité, est-ce que ce serait devenu la normalité?
    Pourtant, les babyboomers qui se sont battus dans les années 70 pour avoir des avantages sociaux, eux qui voulaient changer le monde, eux qui sont maintenant les plus hauts sur la liste d'ancienneté ou qui sont devenus patrons, ont-ils changé leur fusil d'épaule? Les avantages sociaux, les bénéfices marginaux, les emplois coulés dans le béton, c'était bon pour eux mais c'est néfaste pour nous? Et quand je leur en parle, ça tourne à la chicane et ça finit par un «vous autres les jeunes, vous ne comprenez rien».
    Oui, c'est vrai, je n'ai rien compris et je ne comprends toujours pas. J'ai beau tourner ça dans tous les sens, je n'arrive pas à comprendre, à m'expliquer.

    [...] Je vous souhaite à tous bonne chance dans votre bataille, et j'espère sincèrement que vous allez en sortir avec des avantages. Parce que je me rappelle d'une grève qu'on a eue en 1999, qui m'a coûté très cher en dollars et qui ne m'a rien apporté de concret dans l'immédiat, il a fallu attendre 3 mois pour avoir quelques maigres augmentations de salaires...

    Vitalie Perreault, Montréal

La primauté de l'individu


Jean Sawyer

Vous le voyez cinq jours sur sept à l'écran du Montréal Ce Soir, du Téléjournal ou des bulletins horaires de RDI. Il travaille de 50 à 70 heures chaque semaine. Pourtant, Jean Sawyer n'a qu'un statut de journaliste temporaire.
À 38 ans, l'air d'en avoir 10 de moins, mais la tête grisonnante («chaque cheveu gris a son histoire», joke-t-il), il fait preuve du même altruisme que tous les précaires à qui j'ai parlé, qui hésitent à raconter leur histoire par pudeur: «Je ne me plains pas parce que ce conflit me prive de mon travail, dit-il. Je le fais pour les autres, pour les femmes, pour les assistantes à la réalisation, pour tous mes collègues qui n'ont pas mon taux horaire et qui n'ont pas le privilège ultime de son montrer la face à la TV.»
On sent quand même chez lui une déception contenue. Après une carrière qui l'a vu passer de la radio de St-Hyacinthe, à la recherche pour André Arthur, en passant par Caméra 88, 89 et 90, il a commencé sa carrière à Radio-Canada en 1993 comme bien d'autres: par Régina.
Six ans et quatre jours dans la capitale de la Saskatchewan, il était correspondant parlementaire, reporter, affectateur, un one-man band tellement apprécié que Radio-Canada lui a donné sa permanence. Après six ans et quatre jours, il avait envie de revenir au Québec: «Avant, à Radio-Canada, c'était comme au hockey. Tu faisais un an ou deux dans un club junior et puis tu te retrouvais dans la Ligue nationale.» Pour travailler à Montréal au sein de la même entreprise, il a dû en démissionner: «Ça été comme une peine d'amour», dit-il. Aussi logique que s'il fallait se séparer de sa blonde pour pouvoir continuer à la fréquenter.

Sur les lignes de piquetage, Jean déride les troupes avec son humour légendaire. Mais plusieurs n'ont pas le coeur à rire: «Il y a un désespoir psychologique profond. Hier, j'ai pleuré avec une permanente qui se demande comment elle va faire pour payer son loyer.» Résultat, Jean est «en crisse» contre Radio-Canada... mais contre le syndicat également qui profite du conflit pour redorer son blason.
En fait, Jean se méfie instinctivement de toutes les institutions, même celles qui sont censées le représenter: «Dès que c'est organisé, je suis sceptique. Il y a longtemps que Greenpeace ne se bat plus pour l'environnement, mais pour la survie de Greenpeace, fait-il valoir. Mais toutes ces institutions-là oublient que sans les individus, elles ne sont rien. Sans individus, ya pas de syndicat. Sans individus, ya pas de Radio-Canada non plus.»
Message aux dirigeants patronaux et syndicaux en train de négocier en ce moment: vous avez le pouvoir de faire cesser la souffrance de centaines d'individus. Veuillez en prendre bonne note svp...

jeudi, avril 04, 2002

Dommages collatéraux chez les techniciens

Un caméraman avec qui je travaille m'a confirmé jeudi qu'à partir de lundi, Radio-Canada ne fera plus appel à lui par «manque de travail». Il n'est pas seul: une dizaine de caméramen/women et de preneurs de son devront faire face à la même situation. Ils n'ont pas la chance d'être permanents. On les appelle des «surnuméraires sur appel»... mais c'est drôle, ils travaillent tous et toutes une quarantaine d'heures par semaine et ce, pratiquement tout au long de l'année. Des employés de seconde zone qui sont les premiers à souffrir quand éclate une guerre qui n'est pas la leur!

Martin Allaire, Isabelle Berzeele, Frédéric Bisson, Charles Contant, Patrick Dehaene, Conrad Fournier, Julie Hénaire, Louis-Marie Phildor, Luc Robidas, et j'en oublie certainement (à cette heure, la mémoire défaille), vont perdre leur source de revenus à cause du lockout. Ils et elles n'ont pas à subir cela: les réalisateurs de la radio se sont fait montrer la porte aux premiers jours du conflit de travail. Même les «ptites madames» de la cafétéria n'y échappent pas!
Toujours pour mettre un visage sur la précarité, voici Frédéric, Julie et Louis-Marie:

Fred Bisson lors d'un tournage à St-Hyacinthe


Julie Hénaire lors d'un tournage à Richmond


Louis-Marie Phildor
Comme par hasard, les deux seules femmes et le seul noir caméraman à RC sont de ce groupe...

Précarité partout

La pluie de courriels d'auditeurs/téléspectateurs précaires ne cesse pas.
L'averse s'intensifie, même.
La plupart sont des travailleurs du secteur public (santé, éducation).
Mais voici un message d'un employé du privé, où la précarité peut être sauvage. Il ne tient qu'à se faire appeler «Henry». Comme il risque son emploi, je lui ai accordé l'anonymat:

    From: "Henry"
    To: hugo@reporters.net
    Subject: précarité Média Inc
    Date: Thu, 4 Apr 2002 08:55:06 -0500

    Je travaille pour vidéotron, au support technique à la clientèle internet. Depuis un bon bout de temps (plus d'un an) on assiste à des insultes croissantes de la direction. Nombreux sont ceux qui n'ont pas de vie. L'horaire des temps partiels change
    sans cesse. La plupart du temps, c'est de soir. Soit entre 15h00-23h00, soit 16h00-00h00, les fins de semaines aussi.

    Je travaille depuis un an en gros et mon horaire ne s'est pas amélioré: travail de soir, et les fins de semaines. Nous pouvons demander des préférences d'horaire, c'est à dire spécifier les jours de congés (fin de semaine) que nous désirons exemple, jeudi-vendredi), mais rien n'oblige l'employeur à s'y conformer, et donc il arrive que l'on aie deux jours séparés (lundi off, mercredi off). Il est absolument impossible de prévoir quoi que ce soit.

    Plus récemment, l'employeur (lire: Péladeau) a décidé d'employer, contrairement à ce que la convention collective (et la loi des normes du travail?) le permet, des sous-traitants au support technique. Le nombre d'appels diminuant dans notre département (étant aiguillés vers le sous-traitant), l'employeur à coupé les heures des temps partiels. L'employeur a aussi joué avec les horaires de façon injustifiée. Ainsi, tout d'un coup, on pouvait finir à 23h00 et recommencer le lendemain à 10h00. Pendant que nous étions coupés, la sous-traitance prenait les appels. Le but étant évidemment de décourager les employés pour qu'ils quittent, et non pour «améliorer le service à la clientèle» [...].

    Combien de fois ai-je voulu aider les clients qui appelaient, mais n'ai je pas pu le faire en raison des politiques de la compagnie? À tout les jours! Nous sommes les employés d'une chaîne de montage qui devont prendre le plus d'appels à l'heure possible, et passer le moins de temps entre chaque appel avant d'appuyer de nouveau sur le bouton 'prêt'. La moyenne recherchée étant de au moins 5 appels à l'heure, et moins d'une minute entre les appels. De quoi virer fou. D'autant plus qu'on ne recherche pas la QUALITÉ: les employés ne sont évalués que grace au rendement donné par les statistiques de temps d'appel. Donc un employé qui voudrait expliquer clairement à un client comment fonctionne l'internet (histoire que le client soit satisfait et ne rappelle pas 10 fois parce qu'il n'a pas compris!) ne peut le faire et se contente le plus souvent de terminer la conversation AU PLUS VITE car il sait que cela ne changera rien. Même qu'il risque d'être pénalisé s'il donne un bon service...
    Combien de fois avais-je des idées qui pourraient améliorer le service qui n'ont pas été mises en pratique, ni même écoutées?

    [...] Merci et bon courage de votre côté! Ne lâchez pas, dites vous que vous n'êtes pas seuls. C'est déjà ça et c'est beaucoup.

Le secret de Marie-France Bazzo

Je l'ai évoqué hier. Le voici aujourd'hui: Jacquelin Castonguay, le chef recherchiste de l'émission Indicatif Présent.
Jacquelin est à Radio-Canada depuis 17 ans. C'est en quelque sorte le frère spirituel de Bazzo, dont il partage la détermination, le sens critique. Il est un des secrets du succès d'une des émissions qui fait la fierté de la radio de RC. Mais Jacquelin se demande encore où et si il va travailler l'année prochaine.
En 17 ans à Rad-Can, il n'a pu obtenir de contrat annuel que depuis deux ans. Avant cela, les étés étaient des coups de dés. Il travaillait au petit bonheur la chance et plus souvent qu'autrement, il devait se «mettre en chômage». Un travailleur saisonnier. Comme les pêcheurs et les bûcherons de la Gaspésie.

Jacquelin Castonguay

La tournée virtuelle des régions se poursuit


Les piqueteurs à Sept-Îles


Mais ce n'est pas qu'à Montréal que ça se passe. Voici les employés lockoutés de Sept-Îles qui réclament l'ARRÊT de la précarité à Radio-Canada, et l'ARRÊT du lockout!
Dans la région de la Côte-Nord, ils sont trois à Baie-Comeau et 11 à Sept-Îles.
Merci à Louise Savard pour la photo.

Amateurs de sport bonsoir

Après 13 jours d'arrêt de travail, les piqueteurs ont besoin de se délier les muscles.
Près de la porte centrale du boulevard René-Lévesque, quelques athlétiques jeunes hommes ont inventé un nouveau sport de contact: le tir du gardien de sécurité au ballon de football en nerf.

Attention monsieur
Attention monsieur, derrière vous...

Il faut rendre hommage aux gardiens de la compagnie Kolossal, des travailleurs certainement plus précaires que l'immense majorité des employés de Radio-Canada en lockout, qui font le pied de grue dans le froid avec pour seul réchaud un véhicule qu'ils se partagent à huit.
La plupart d'entre eux rigolent avec les lockoutés.

La ligne de mêlée

Mais d'autres prennent leur mission un peu trop au sérieux. Par exemple, les artisans de la radio anglaise ont voulu jouer au badminton aujourd'hui (photos ci-dessous gracieuseté de Gordon Krieger, recherchiste à l'émission Brave New Waves).

Anyone for tennis?

Un gardien est venu leur dire qu'ils devaient quitter la propriété de Radio-Canada.

Veuillez évacuer les lieux

Mais vous savez ce que c'est, des journalistes. Ça a la tête dure. Ils ont insisté.

Awww. Come on!

Mais les gardiens se sont fâchés, celui-ci (à gauche) menaçant le photographe de lui «smasher» la caméra.

M'a ta faire envaler moé

Les joueurs ont plié leur filet, penauds...

Boo hoo hoo

... et sont allés faire un peu de badminton intérieur. Le Badminton Incident était clos.

Look ma, no net

Toujours dans une veine sportive, il était intéressant de voir 4 sportifs radio-canadiens à l'émission 110% de ce soir sur les ondes de TQS: Michel Bergeron, Jean Pagé, Claude Quenneville et René Pothier. Ils étaient là à titre d'invités, tout simplement. Mais de les voir les quatre ensemble sur une émission concurrente était savoureux! Un autre pied de nez à la direction par des professionnels qui ne demandent pas mieux que de faire leur métier.

Look ma, no net


C'était un scoop

La nouvelle de l'annulation des projets pilote de VDFR à Montréal, que vous avez apprise en exclusivité sur ce site, était bel et bien un scoop qui, au lieu d'être diffusé au Montréal Ce Soir s'est retrouvé dans le bulletin de 18 heures de TVA. Un reportage d'Yves Malo.
Mais ce n'est rien par rapport à ce qui se passe en Israël et dans les territoires de l'Autorité palestinienne. Il y a des radio-canadiens là-bas pour nous raconter cette guerre, ces semaines historiques. Mais avec son lockout, la direction de Radio-Canada les empêche de faire leur métier...

Job poche . ca

Le journaliste de la radio Jocelyn Desjardins vient de faire cette géniale trouvaille:
Sur le site de recherche d'emplois Workopolis, Radio-Canada affiche un poste de conseiller en relations de travail.
«C'est pour ça qu'ils ne voulaient pas négocier, ils n'avaient personne pour le faire!» ironise Jocelyn.
Voici le texte de l'offre d'emploi, au cas où elle disparaîtrait des serveurs de Workopolis (en passant, c'est un poste précaire, contrat d'un an):
    SOCIÉTÉ RADIO-CANADA
    CONSEILLER EN RELATIONS DE TRAVAIL

     
    Région: Montréal,QC;Burlington,ON;Mississauga,ON;
    Catégorie d'emploi: Ressources Humaines
    Secteur d'activité: Télécommunications
    Site Web de la compagnie : http://www.radio-canada.ca
    Nbre. d'années d'expérience:
    Nombre de postes: 1
    Date d'affichage: 04 avr. 2002
     
    CONSEILLER EN RELATIONS DE TRAVAIL

    Poste contractuel d'un an renouvelable (Montréal)
    - Porte parole et responsable de négocier et rédiger les renouvellements des conventions collectives et ententes avec les artistes
    - Représente l’employeur aux divers comités conjoints et tribunaux administratifs en relation de travail et droits d’auteurs.
    - Assistance aux gestionnaire dans l'application des conditions de travail.

    EXIGENCES :
    - Baccalauréat en relations industrielles ou l'équivalent
    - Diplôme de deuxième cycle en gestion, administration ou relations industrielles un atout.
    - Cinq années d’expérience pertinente dans le domaines des relations de travail et avec les artistes est un pré-requis.
    - Connaissance de l’anglais.

    Radio-Canada vous propose une rémunération concurrentielle et une gamme complète d'avantages sociaux.
    Faire parvenir votre CV d'ici le 15 avril 2002 par télécopieur au (514) 597-4562 ou par la poste:
    Société Radio-Canada
    J0-08-2002 Ressources humaines
    1400 René-Lévesque est
    Montréal, Québec
    H2L 2M2

Le politique s'en mêle

Alexa McDonough, cheffe du Nouveau parti démocratique


Non, ce n'est pas un membre de la famille royale britannique. C'est la sympathique Alexa McDonough, cheffe du NPD, hier sur les lignes de piquetage à l'occasion d'une manifestation à laquelle se sont également joints l'Union des artistes (avec Pierre Curzi) et les trois autres syndicats de la boîte: l'Asso des réalisateurs, le syndicat des techniciens et le SCFP.
Mme McDonough, dans un accent qui nous fait regretter Ed Broadbent et avec un tract qui disait appuyer la grève (alors que nous sommes lockoutés par Radio-Can), est venue souhaiter un règlement rapide à ce conflit qui réduit au silence un service public.
Paging Gilles Duceppe... Son bureau de comté est à côté de Radio-Can et les Communes sont en pause cette semaine...





Oh! On m'apprend à l'instant qu'il (Duceppe) a donné une entrevue à la radio-libre durant l'heure du lunch. Il a d'abord écorché Radio-Canada au sujet de ses tactiques de négociation: "Une société d'État, surtout qui est dans le domaine de l'information, ne devrait pas demander à ses gens de cesser de communiquer, ça c'est le comble du ridicule!"
Puis, il a dit souhaiter un règlement rapide du conflit, sans pour autant demander au gouvernement de négocier à la place de la Société. En effet, il ne serait pas habile pour le chef souverainiste de demander à Ottawa de s'ingérer dans les affaires internes de Radio-Canada...

Un autre Hulk

Vous vous souvenez d'Alex Freedman, journaliste de la radio anglaise qui a fait l'objet d'un précédent post? Vous vous souvenez qu'il n'était pas chaud à la propagande syndicale?
Eh bien le voilà qui, lui aussi, se transforme en militant grâce aux bons soins de l'intransigeance de Radio-Canada.
Alex Freedman traversant le boulevard René-Lévesque
Hi Mom!

Rimouski online!

Ils sont 20 artisans de l'information en lockout, 12 d'entre eux sont précaires. Mais ils se sont donnés une voix grâce aux soins de Bruno St-Pierre et d'Yvan Cloutier.
Et la beauté de la chose: le site est hébergé sur un Mac (attention, je sais que je prends position sur un sujet controversé car la rivalité entre adeptes du Mac et de Windows est pire que l'antagonisme patronal-syndical).

mercredi, avril 03, 2002

Tale of 2 précaires



Isabelle Vachon et sa gang de RDI
Voici les visages cachés de RDI. Jeunesse. Précarité.
Aucun de ces artisans ne prend de l'ail suractif.



Isabelle Vachon, au centre, est entrée au Réseau de l'information en août 1998. Elle y a fait, comme tous ses collègues, 36 métiers pour se retrouver, au moment du lockout, assistante à la réalisation aux émissions Capital actions et Maisonneuve à l'écoute: «J'ai bouché des trous pendant longtemps et j'ai fait énormément de temps supplémentaire parce qu'il y avait continuellement des rumeurs de coupures. Il fallait que je me montre toujours disponible si je ne voulais pas perdre ma job.»
À un moment donné, on a confié à Isabelle un poste de coordonnatrice, un poste de responsabilité: «C'est elle qui faisait nos horaires, lance une de ses collègues, alors c'est pas toujours facile et il y a de la pression!» Normalement, le salaire augmente proportionnellement aux responsabilités. Mais pas dans le cas d'Isabelle. Son salaire est resté le même. Elle n'a pas osé se plaindre, par crainte de passer pour une employée difficile: «C'est ça qui est le plus triste dans la précarité.»
À 24 ans, elle dit qu'elle ne s'empêchera pas d'avoir une famille même si elle reste précaire toute sa vie. Mais elle aspire malgré tout à la permanence, «pour avoir une vraie carrière», dit-elle simplement.
Son souhait pourrait bientôt se réaliser. Avant le lockout, 15 postes permanents ont été affichés et elle a posé sa candidature à l'un d'entre eux. Elle voyait l'avenir positivement. Mais elle craint que le lockout gâche tout, l'intransigeance de Radio-Canada lui faisant craindre le pire: «J'avais un travail, et là, j'ai peur de le perdre. J'ai peur qu'ils me voient d'un mauvais oeil quand on va rentrer.»
La peur, toujours la peur, à l'intérieur comme à l'extérieur...





Marie-France Bazzo animatrice d'Indicatif Présent
«Lockout imbécile», «tonitruante mauvaise foi», Marie-France Bazzo ne mâche pas ses mots à l'endroit de la direction.


Marie-France Bazzo, elle, n'a pas peur. Pourtant, c'est une précaire elle aussi. «Mais je ne vais faire pleurer personne sur mon sort», dit-elle. En effet. Ce n'est pas pour la plaindre que j'ai voulu présenter Marie-France, mais pour montrer les multiples visages de la précarité. Par souci d'honnêteté. Car lorsque le syndicat dit que la moitié de ses membres ont un statut précaire, cela inclut aussi de grands noms.
Marie-France avait l'âge d'Isabelle Vachon lorsqu'elle a débuté à la radio de RC. Elle a chroniqué à l'émission Plaisirs de Pierre Bourgault, au milieu des années 1980, pour ensuite coanimer et passer en mode full animation avec Et quoi encore jusqu'à Indicatif Présent.
Durant toutes ces années, elle a vogué de contrat annuel en contrat annuel. Jusqu'à ce qu'elle se choque: «Je me suis dit que ça serait le fun de ne plus avoir ce stress qui revient annuellement où on se demande: "Qu'est-ce que je vais faire l'année prochaine? L'émission revient-elle ou pas?"» Alors Marie-France s'est négociée un contrat de trois ans, qui s'achèvera avec la fin de sa saison 2002-2003. En fait, Marie-France se voit davantage comme une entrepreneure que comme une employée précaire.
Elle est néanmoins syndiquée et c'est pour son équipe qu'elle dit faire du piquetage. Dans son équipe se trouve notamment un chef recherchiste incomparable, Jacquelin Castonguay, que vous pouvez d'ailleurs entendre sur les octets de la radio libre sur le ouaibe. Jacquelin est précaire depuis environ 20 ans. Il n'a vraiment plus besoin de faires ses preuves. Pourtant, Radio-Canada refuse de le considérer comme l'un de ses actifs permanents. Elle préfère le louer, d'année en année. Une location humaine à long terme.
Et puis, en parlant avec Marie-France Bazzo, on se rend compte qu'il lui arrive la même chose qu'à Robert Quintal. Si vous l'écoutez, vous savez qu'elle n'est pas exactement une vendue de la CSN. Mais voilà: «Notre radio allait bien comme jamais. Et là, à cause de ce lockout imbécile, on va tout perdre. On a une radio exemplaire, une radio d'idées...» Elle enjoint tous les auditeurs à écrire sans tarder à leur député pour réclamer la levée du lockout.
Elle enrage également de voir les publicités que Radio-Canada se paie dans les journaux pour annoncer une grille horaire bidon: «C'est scandaleux, s'insurge-t-elle. Nous, on fait des émissions de Paris et Radio-Canada ne paie AUCUNE publicité dans les journaux pour nous. Ils sont baveux. Ils sont d'une tonitruante mauvaise foi!»
Ce n'est plus un camouflet qu'elle reçoit, mais un solide coup de poing sur la gueule. Elle répliquera dans Le Devoir de samedi prochain. Voici un extrait significatif:
    «La puissance de cette radio tient dans la vision large, curieuse, qu’elle offre de la vie, de la société, au fait qu’elle ne résume pas l’auditeur à un segment de marché, à un consommateur de pneus ou de bière, à un amateur rhumatisant de potins célinesques, mais qu’elle s’adresse à l’intelligence de citoyens dont les intérêts sont complexes et multiples.»

Pendant ce temps, à l'intérieur...

Un informateur anonyme a pris quelques photos de l'intérieur du Centre de l'information (la salle de nouvelles de RDI et de la télé de Radio-Can). On y voit des patrons à l'oeuvre. Personne n'a l'air au bord du burnout. Ils ont même l'air d'y prendre un certain plaisir. Voici 4 clichés, sans plus de commentaires.

CDI1




CDI2




CDI3




CDI4

Splendide radio libre!


La radio sur mon ordi


J'ai voulu écouter quelques secondes de la radio libre des employés de RC en lockout, histoire de voir si les octets ne se bousculaient pas trop.
J'ai été happé! Je n'ai pas pu faire «pomme-Q» tant j'étais captivé!
Des témoignages éloquents sur la précarité, une information en profondeur sur le conflit (avec un penchant prosyndical, mais bon, il est difficile d'aller chercher le point de vue patronal), des ponts musicaux montés avec brio! Chapeau! Mille fois bravo!
Et grâce au démarchage d'un collègue de Radio-Canada qui veut conserver son anonymat, la webradio aura bientôt plus de bande passante pour être encore plus entendue, un effort de guerre de Communications accessibles Montréal, qui devrait agrandir le tuyau que le syndicat paie chez iScream.

Reprise des négos!


Silence on ne tourne pas
Si bâillon il y avait eu, voici comment Philippe Schnobb, et moult autres syndiqués, seraient venus manifester devant Radio-Canada

Le syndicat a finalement tendu une perche à la direction: «OK, on va se la fermer. Plus de déclarations publiques sur le contenu des négociations pendant quelques jours.»
La direction, qui voulait un blackout plus étendu, a quand même saisi la perche. Bravo aux deux parties!
Les négociations reprennent jeudi matin, 9 heures, quelque part au Complexe Desjardins.

Transformations


Benoît Giasson
Benoît Giasson, journaliste à l'émission 5 sur 5, signifiant que plusieurs employés ont hâte de rentrer au travail

Je n'étais pas le seul «Mini-Wheat» ce matin à une assemblée d'information tenue dans le sous-sol de l'église Saint-Pierre-Apôtre. Quelques centaines de radio-canadiens étaient là.
La plupart étaient en beau fusil contre Radio-Canada pour avoir imposé de nouvelles conditions kafkaïesques pour la reprise des négos. D'autres étaient en colère contre le syndicat pour avoir refusé ces conditions et avoir répondu à un enfantillage par un autre enfantillage. Et plusieurs autres, comme moi, comme Benoît, éprouvaient les deux sentiments.
L'assemblée a duré plus d'une heure. Les reps du syndicat ont expliqué ce qui s'est passé, ce qu'exigeait Radio-Canada et pourquoi ils ont refusé. Et on a compris. Mais malgré l'évidente mauvaise foi de la direction, la plupart des gens présents tenaient quand même à ce que le syndicat tende encore une fois la joue, pour que les négociations reprennent au pc.

À la sortie de l'assemblée, j'ai rencontré Robert Quintal.

Robert Quintal, affectateur national des nouvelles tv


Robert est affectateur national aux nouvelles télévisées, c'est-à-dire que c'est lui qui dit quoi faire à tous les journalistes «nationaux» (correspondants basés un peu partout ad mari usque ad mare et travaillant surtout pour le Téléjournal).
Robert est un gars discret, effacé même, mais efficace. Pas du tout le type revendicateur. Permanent, je ne l'ai jamais entendu faire quelque panégyrique prosyndical que ce soit. Si Radio-Canada avait un système d'«employé du mois», je verrais très bien Robert remporter la palme.
Mais voilà. La direction de Radio-Canada est en train de faire de Robert un militant. Et il n'est pas le seul à subir cette transformation. Je la sens chez moi aussi. Ça doit ressembler à ce que ressent Bruce Banner lorsqu'il se transforme en Incroyable Hulk.
Robert Quintal est sorti de l'assemblée de ce matin en «tabarnak» contre la Société. Ses collègues et lui ont déjà été giflés une première fois avec ce lockout. Ils l'ont été une seconde fois avec les conditions imposées pour la reprise des négociations. Les artisans de l'information à Radio-Canada n'ont plus de joue à tendre...

Robert est particulièrement scandalisé par ce qu'il entend sur les ondes: «Que des patrons qui ont été journalistes, dit-il, continuent à parler de grève alors que nous avons été mis en lockout, je trouve cela profondément malhonnête.» Mais il ne se transformera pas en Hulk: «Au retour, je ne me gênerai pas pour leur dire... gentiment.»

Pas de dommages collatéraux?

Mise à jour sur une mise en garde envoyée plus tôt par Maryse Pagé au sujet de réalisateurs qui perdraient leur emploi au terme de leurs contrats (31 mars), ce qui en auraient fait des dommages collatéraux de ce conflit.
Selon l'ancien président du SCRC, Rosaire L'Italien, qui a parlé aux gens de l'Association des réalisateurs (il faut savoir que les réalisateurs sont dans un syndicat différent), Radio-Canada ne mettra aucun réalisateur à la porte à cause du lock-out, dit-il.
Mais j'ai rencontré d'autres réalisateurs ce midi qui me disent qu'ils n'ont aucun contrat... bien que Radio-Canada continue de leur demander de se présenter au travail. Ils ont un boulot... mais pas de contrat.
Faudra sans doute laisser passer quelques jours pour voir ce qui se passe réellement.

Appui d'un collègue de TVA!

    De: "Christian Thivierge"
    À: "Jean-Hugues Roy"
    Objet: Re: Appui
    Date: Wed, 3 Apr 2002 09:59:17 -0500

    [...]
    La volonté d'éliminer la précarité est l'enjeu majeur de vos revendications. Mais dites-vous que cela l'est aussi ailleurs, comme à TVA, où je travaille. Bon nombre de mes collègues journalistes, recherchistes, cameramen, monteurs, chefs de pupitre et même lecteurs-lectrices de nouvelles, n'ont toujours pas de sécurité d'emploi après des années passées à l'emploi de TVA. De plus, les gars des sports ont vu leur service carrément coupé par les gestionnaires la semaine dernière. Du coup, 13 personnes se retrouvent sans emploi ou doivent se trouver un poste à "bumper" ou à recommencer à travailler dans de nouvelles conditions. Et ce, sans AUCUN avertissement des patrons. Pitoyable.

    J'ose espérer que vous obtiendrez un règlement satisfaisant pour tous. Sachez que votre lutte et vos efforts valent la noble cause pour laquelle vous les faites. À vous tous, collègues, courage et tenez-bon. Christian Thivierge, TVA-LCN

Scoop?


Jeremy Searle


Hier soir, après une exténuante journée à essayer de faire fonctionner une webradio, je suis rentré à vélo sous la neige/pluie/ensemble de ces réponses.
Je suis passé par la rue Grey où, par hasard, le président de la Commission des transports de la Ville de Montréal se préparait à partir pour une réunion. J'ai demandé à Jeremy Searle quand auraient lieu les projets pilotes de virage à droite au feu rouge à Montréal. L'automne dernier, le responsable du dossier transport au comité exécutif, Claude Dauphin, avait annoncé que des projets pilote allaient avoir lieu, l'un dans un arrondissement de l'ouest de l'île, l'autre dans l'est.
Finalement, m'a dit Searle, il n'y aura pas de projet pilote. L'idée a été abandonnée par la nouvelle ville. Cette information a-t-elle été diffusée au moment où le nouveau ministre des Transports, Serge Ménard, a rencontré le maire Gérald Tremblay? Je ne me souviens pas de l'avoir vue. Si je l'ai manquée, eh bien zut!
Si c'est une nouvelle, eh bien que les collègues des autres médias s'emparent de ce mini mini scoop que je ne peux diffuser ailleurs qu'ici.

Givré ou nutritif?

Voici le dernier communiqué de la Société Radio-Canada.

    Le Syndicat des communications de Radio- Canada (SCRC) a refusé aujourd'hui le cadre de négociation que lui avait proposé plus tôt la direction afin de permettre une reprise des discussions à court terme. [...]
    Le point sur lequel les discussions ont achoppé a trait à la demande de Radio-Canada d'observer une trêve en matière de déclarations publiques pendant dix jours, à compter du début des négociations, qui auraient débuté ce jeudi.
    [...] En agissant ainsi, le SCRC laisse volontairement et sciemment perdurer un conflit néfaste pour tous, soit ses membres, l'entreprise et le public privé du service de qualité auquel il a droit.


Bon. Analysons-le avec une théorie que j'affectionne (surtout à 3h du matin), celle dite du «Mini-Wheat».

J'ai un côté qui a envie de hurler.
Ce communiqué n'est pas du surréalisme, c'est du dadaïsme.
Le syndicat va voir la direction et dit: «Négocions».
La direction dit: «Non, si vous ne cessez pas de vous exprimer sur la place publique».
Le syndicat dit: «On a le droit de s'exprimer».
La direction dit: «Ah! Ah! Le syndicat ne respecte pas nos conditions! C'est lui qui laisse le conflit perdurer».
C'est pourtant la direction qui a le pouvoir de faire cesser le conflit en mettant fin au lockout... C'est vraiment le monde à l'envers et pas à peu près.

Et j'ai un côté qui dit: «Bah».
Ce qu'on veut avant tout, c'est la reprise des négociations entre notre syndicat et notre direction. Un compromis de plus ou de moins, si c'est pour qu'on en arrive plus rapidement à un règlement négocié, ç'aura été un compromis bien investi.
Et puis, ce que la direction demande est assez restrictif: le communiqué parle d'une trêve de déclarations publiques de 10 jours, trève qui s'adresse au SCRC, l'institution.
Donc, les représentants du syndicat et de Radio-Canada se taisent pendant 10 jours.
Pendant ce temps-là, rien n'empêche les employés, eux, de continuer à communiquer sur une base individuelle et à raconter le visage humain du conflit! Multiplions les blogues! ;-)

mardi, avril 02, 2002

Roman photo de la webradio libre


Janic Tremblay contribuant un peu d'équipement à la gang de la radio libre
Nous sommes en 2002. C'est un conflit on ne peut plus high tech. Et une radio sur Internet, ça se bricole avec des outils de pointe.


Câble de la radio libre
Puisqu'il est question de bricolage, notons également ce câble qui pendouille le long du plafond du local des «lockoutés». Nous attirons également votre attention sur le noeud qui permet aux deux câbles de demeurer reliés au connecteur suspendu. Ce noeud est en quelque sorte une innovation technologique, car avant qu'il soit fait, les deux câbles se déconnectaient constamment, ce qui explique une partie des retards qu'à connus la webradio en ce 2 avril.


Réunion des artisans de la radio libre
Mais avant les «0» et les «1» qui circulent dans des câbles, la webradio est d'abord et avant tout faite des neurones des artisans de la radio de Radio-Canada.
En voici trois: Janic Tremblay, journaliste, à l'avant-plan; puis Myriam Fimbry, journaliste également, et enfin Michel Désautels, animateur.



Jean-François L'Heureux
Ils écoutent Jean-François L'Heureux, le coordonnateur de la radio libre, raconter comment ça va se passer. Il y a une affectatrice qui «calle les shots», une cheffe de pupitre qui fait un «lineup», et des reporters sur le terrain.


Nathalie Petrowski sur la sellette
Voici l'une des reporters, Myriam, interrogeant Nathalie Petrowski avec des membres du comité «commando». Madame, dont le chum et la mère sont des «lockoutés» de Radio-Canada, disait à la blague qu'elle était désormais seule soutien de famille.
La scène a été croquée peu de temps avant une conférence de presse du Cirque du Soleil, événement retransmis en direct sur RDI sans le concours d'aucun des artisans de l'information pour poser des questions. Entreprises, c'est le temps idéal pour tenir votre conférence de presse: votre message passe direct sur les ondes sans aucun filtre journalistique pour le déformer. Ouah! L'aubaine! (Photo gracieuseté de Philippe Schnobb).



Wojtek
Vive l'informatique! La mise «en ondes» de la radio, prévue à 9h00, n'a finalement eu lieu que vers 16h10! <voix de Homer Simpson>Wouhou!</voix de Homer Simpson>


Le premier lineup de la première webradio de lockoutés au monde
En exclusivité sur «Blogue-Out», le premier lineup de la première émission de webradio des employés de Radio-Canada en lockout.
01 - une ouveture en français par Isabelle Poulin
02- une ouverture en anglais par Wojtek Gwiazda
03 - une entrevue de Daniel Raunet sur la reprise des négociations
04 - la réponse du syndicat aux conditions de Radio-Canada (en un mot: «non»)
05 - un topo de Myriam sur l'action du «commando»
06 - un topo de Janic sur la perte d'auditoire de la radio de RC
07 - quelques brèves lues par Michel Désaultels
08 - une signature signée Michèle Viroly
09 - «dans leurs portefeuilles il y a des cactu-u-u-s»



Alain Picard
Gonflés à bloc par cette première diffusion, les artisans ont déjà commencé à élaborer un projet de télévision sur le ouaibe. Des équipements dernier cri ont déjà été amassés, comme on peut le voir ici, derrière Alain Picard.

Nous ne sommes pas seuls

La précarité ne se retrouve pas qu'à Radio-Canada. J'en ai des témoignages chaque soir quand je prends mon courriel après le dodo des enfants. J'ai l'impression que si la précarité recule à Radio-Canada, cela donnera des ailes à plusieurs autres travailleurs qui se sentent coincés.
Dans ce sens, ce n'est pas seulement le sort des 1400 employés en lockout de RC qui est en jeu, mais par extension le sort de tous les précaires au Québec.
C'est le courriel ci-dessous, de Luce Boyer, infirmière de Trois-Rivières, qui m'en fait prendre conscience.
Lisez cet éloquent cri du coeur, et s'il vous rejoint, faites-moi parvenir le vôtre!

    Date: Sun, 31 Mar 2002 23:00:03 -0500
    Reply-To: bclaude@globetrotter.qc.ca
    To: hugo@reporters.net
    Subject: Oui!!

    Je suis précaire comme infirmière!!
    Je vis la même chose que vous tous!!
    Et je me tiens bien droit derrière vous!!

    Le gouvernement ne cesse de dire qu'il y a pénurie d'infirmières, mais ce n'est pas vrai!!
    Nous ne sommes que sur appel!!!
    Même après 20 ans :-(

    Alors je n'en peux plus!!
    Je n'ai pas de vie personnelle.... Jamais...
    Et notre syndicat "chie" sur les infirmières auxiliaires au lieu de négocier des postes à temps complet pour ses propres membres!!
    Une bataille mal placée...

    Et le gouvernement dans tout ça?
    Il festoie en attendant avec le syndicat? Peut-être....

    Tout ça pour vous dire qu'en lisant vos articles, le tout m'a sauté aux yeux!
    Je suis ahurie des conditions de travail d'aujourd'hui...
    Il n'y a pas que les conditions salariales, mais les conditions de vie!

    Je vous souhaite de tout coeur de gagner votre bataille en attendant de gagner la mienne...
    Et je vous respecte tous même si vous me manquez à la télé ou à la radio!

En passant, s'il y a des délais entre le moment où les gens écrivent et le moment où leurs courriels sont mis en ligne, c'est que je demande à chacun sa permission avant de poster.

Les sites se multiplient!

Carl Bernier, animateur à CBJ à Ville Saguenay, vient de lancer lui aussi un site web pour raconter le lockout tel qu'il est vécu par les artisans du Saguenay--Lac-Saint-Jean à l'url suivant:
http://pages.infinit.net/cbern/.
Mettez à la rue des gens de communication et que font-ils?
Ils communiquent, pardi!

Courriel d'un militant

J'ai hésité avant de mettre en ligne le courriel que Daniel Raunet m'a envoyé le jour de Pâques.
Il faut appeler un chat un chat, et un militant un militant.
Daniel est membre du comité de mobilisation du syndicat, à titre bénévole précise-t-il, mais il est on ne peut plus actif.
Cependant, son message vient secouer un peu le syndicat. Et il vient donner un éclairage personnel sur l'actuel conflit, ce qui est, après tout, le fil conducteur de ce site. Il permet aussi de comprendre la valeur de la permanence pour les jeunes.
Voici donc le message de Daniel Raunet, écrit avec son chapeau de militant syndical recouvert par son béret de simple journaliste aux nouvelles radio qui a traversé vingt années de précarité.


Daniel Raunet expliquant les conditions imposées par Radio-Canada pour la reprise des négociations
Daniel Raunet, à droite, explique les conditions que Radio-Canada impose pour la reprise des négociations, sous l'oeil de Sylvain Racette, à gauche.

    Date: Sun, 31 Mar 2002 12:15:51 -0500
    From: daniel raunet
    To: hugo@reporters.net
    Subject: un vrai faux précaire

    Je suis permanent depuis décembre 2000, avec plus de vingt ans de service à la Société Radio-Canada, passés pour l'essentiel aux affaires publiques radio. J'ai 55 ans ; ça donne quoi à 75 ans ? L'aide sociale pour les petits vieux. Quoi qu'il arrive à cette grève-lock-out, vous, chers contribuables, allez me payer l'hospice dans quelques années ! Je suis l'illustration de ce qui pourrait arriver à ceux qui, à 25 ou 30 ans, préfèrent le fric tout de suite et ne comprennent pas cette histoire de permanence sur laquelle insiste le syndicat.

    Bref, je fais partie de ceux qui ne se battent pas pour eux-mêmes : pour ma génération de baby-boomers, c'est trop tard. Je me bats surtout par rage, par rage de ce qu'on m'a imposé pendant des décennies et par espoir que ça va s'arrêter pour ceux qui vont me remplacer sous peu.

    Une pensée en marge des événements : si nous n'étions pas syndiqués, nous aurions de meilleures conditions de travail. [...] Je m'explique : au fédéral comme au provincial, il y a des normes minimales du travail. Ces normes incluent un élément qui fait consensus dans notre société : après 8 heures de travail par jour, et après 40 heures par semaine, on est payé à temps et demi. Chez nous, un bon tiers du syndicat est payé à temps et demi après 80 heures toutes les 2 semaines.

    Autre norme du travail violée par notre convention collective : tout employeur fédéral est obligé de tenir des registres de travail et de payer ses employés en conséquence. À Radio-Canada, plus du quart de nos membres ont été affectés d'office à «horaire libre», ce qui permet à l'employeur de s'auto-dispenser de la tenue des registres, de la comptabilité des heures supplémentaires et de leur rémunération.

    Un syndicat est supposé reprendre le langage des normes du travail et de l'améliorer. Quand il les empire, il ne fait pas son boulot. Un exemple de plus : en régime de négociation colelctive (le nôtre, légalement), ce sont les élus des employés qui négocient au nom de tout le monde toutes les conditions de travail. A Radio-Canada, ce n'est pas le cas, 8,2 millions de dollars sont distribués à la tête du client, comme s'il n'y avait pas de négociation collective, en violation de l'esprit et de la
    lettre du code du travail.

    Comment Radio-Canada se dispense des normes minimales du travail ? En forçant les employés à inscrire dans leur convention collective des stipulations inférieures à ces normes.
    Comment s'appelle un syndicat qui accepte de signer des documents en deçà des stipulations minimales de la loi? Un syndicat de boutique.
    Sommes-nous un syndicat de boutique? Oui.
    On l'a été de 1998 à 2002 avec la convention verte, parce qu'une très faible majorité a accepté, contre l'avis du syndicat, la vision du monde patronal. On le sera à nouveau si on retombe dans le même panneau.

lundi, avril 01, 2002

Desjardins fait des vagues

Lendemain de Pâques passé en partie dans le «War Room» du syndicat à monter un sous-réseau informatique pour les artisans qui vont travailler dès demain à une webradio. Ça devait s'appeler Radio-Canada libre/Radio Free CBC, mais en raison d'avocasseries, ça s'appelera La radio libre des employés de Radio-Canada en lockout... Sexy! Surveillez le site du SCRC (hyperlien dans la colonne de gauche) pour la mise en ligne attendue pour demain matin, neuf heures.
À mon retour, j'avais un très intéressant courriel dans ma boîte aux lettres. Une autre réaction au texte d'Yves Desjardins, mis en ligne vendredi, un texte qui est vraiment tombé comme un pavé dans la mare (c'est le cas de le dire, car l'organe officiel de notre syndicat s'intitule Le petit canard, hum).
Plusieurs personnes ont réagi à Yves. Ce que Pierre Maisonneuve écrit rassemble bien les contre-opinions que j'ai reçues :

    En réponse à mon collègue Yves Desjardins.

    [...] C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu le récent commentaire de notre collègue Yves Desjardins, chef de pupitre au Téléjournal, que vous avez présenté comme représentant une certaine dissidence mais qui mérite d'être lu. Je suis entièrement de votre avis.

    Même si je ne partage pas l'analyse de Yves, je me serais contenté de lire son texte et d'y réfléchir afin d'en tirer profit. Mais Yves a cru bon de citer mon cas pour appuyer son propos et je cite: « …je fais partie des rares vieux qui ont fait la grève de huit mois en 80-81. Maisonneuve, qui t'a tant ému mardi, y était aussi, mais " en dedans " : les journalistes des émissions d'affaires publiques étaient alors dans un autre syndicat… En plus, Pierre, dont je ne remets pas en cause la sincérité, me semble avoir un peu la nostalgie d'un Radio-Canada qui n'existe plus ».

    Je voudrais ajouter quelques éléments pour compléter cette page d'histoire ouverte par Yves. Pourquoi, moi et d'autres journalistes étions " en dedans " pendant cette grande grève?
    Premièrement, nous , les journalistes des Affaires publiques, faisions partie du même syndicat que ceux de la salle des nouvelles, mais nous étions en instance d'accrédition car nous rejetions l'obligation d'être membres de l'Union des artistes.
    Deuxièmement, j'étais " en dedans " parce que, quelques mois plus tôt, j'avais été forcé de démissionner de mon statut de journaliste permanent, après dix ans aux Nouvelles, afin de poursuivre ma carrière aux Affaires publiques. Sans cette obligation, moi et d'autres anciens des Nouvelles pris dans la même situation, les Mailhot, Sauvé et autres, aurions participé à cette grève que nous avons appuyée. Nous n'étions pas " en dedans ", comme le souligne Yves Desjardins, par choix mais par obligation.

    Yves Desjardins me fait le doux reproche d'avoir la nostalgie d'un Radio-Canada qui n'existe plus. Ce n'est pas de nostalgie qu'il s'agit. Pourquoi faudrait-il appuyer nos revendications sur celles des plus démunis, des plus fragiles employés de nos compétiteurs! Qu'on se donne aussi la peine d'analyser les conditions de travail de nos collègues de la presse écrite. Les plus jeunes rêvent, comme nous l'avons fait, moi, Yves Desjardins et bien d'autres, de conditions de travail qui leur permettront de donner le meilleur d'eux-mêmes. Le dire ne signifie pas que les conditions actuelles à Radio-Canada sont celles du Goulag. Je pense qu'il faut définir les balises qui mettront les précaires à l'abri de l'arbitraire et de la discrimination. Je n'ai entendu personne réclamer la permanence pour tous, ce qui aux yeux de Yves peut signifier la sclérose du milieu. Nous en sommes bien loin.

    Je respecte l'opinion exprimée par Yves Desjardins qui rejoint celle de plusieurs collègues, mais je voudrais rappeler que je ne suis pas en lockout pour redorer le blason de la CSN. Ce serait faire injure à tous nos collègues qui, à plus de 90%, ont appuyé la stratégie syndicale. Après plus de dix heures de débat où tous ont pu s'exprimer librement, nous n'avons pas voté avec nos pieds que je sache.

    Moi aussi, je souhaite que le conflit se termine le plus rapidement possible. À ce sujet, je demeure optimiste. Les citoyens ont besoin de notre travail, de nos reportages et de nos analyses. Et nous avons besoin d'eux.

    [...] En toute amitié pour nos collègues " du dehors " et " du dedans ".

«C'est quoi un blogue?», part 2

Toujours dans la rubrique «De quoi un blogue se nourrit-il quand la bise est venue?», lire (en français) l'article de Martine Pagé dans le webzine Largeur.